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THAÏLANDE – TUERIE: Ce que nous dit la tragédie de Korat sur la société thaïlandaise

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 17/02/2020
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Gavroche aime recueillir l’avis d’experts et de spécialistes des pays de l’ASEAN. Philippe Bergues suit de près l’actualité de la Thaïlande qu’il commente régulièrement dans nos colonnes. Il nous livre ici son analyse sur le massacre commis à Korat par un sergent de l’armée thaïlandaise devenu en une journée l’un des pires tueurs de masse de l’histoire du Royaume.

 

Une contribution de Philippe Bergues

 

Avec cette tuerie massive de Korat, dont le bilan humain est de 30 morts, le Royaume de Thaïlande doit faire face au pire massacre de civils de son histoire moderne dans un contexte non politique. Néanmoins, des questions demeurent sans réponse, et ces questions que l’opinion publique et les journalistes se posent à juste titre, impliqueront que l’armée et le gouvernement y répondent même si le Premier ministre Prayuth voyait d’un mauvais œil une instrumentalisation politique de tels faits lors de sa conférence de presse de ce dimanche 9 février.

 

Un « culte des armes »

 

La militarisation de la société thaïlandaise s’accompagne d’un véritable « culte des armes » comme le montre tous les ans les exhibitions lors du Children Day où les hommes en vert n’hésitent pas à mettre dans les mains des enfants des armes factices et ainsi, établir une propagande aux vertus viriles dès leur plus jeune âge. Cette présence de l’arme en tant qu’utilité sociale se retrouve dans les luttes de bandes rivales dès la post-adolescence, de nombreux faits divers tragiques de morts pour ne pas perdre la face illustrent cette violence prégnante de la société thaïlandaise.

 

Des casernes suffisamment sécurisées ?

 

Comment le Sergent Jakkrapanth Thomma, âgé de 32 ans et gradé d’un rang inférieur, a-t-il pu aussi facilement sortir de sa caserne au volant d’un véhicule militaire et équipé d’un tel arsenal de guerre sans qu’aucun de ses supérieurs n’aient pu l’en empêcher ? Pourquoi les protocoles de l’Armée Royale thaïlandaise ne sécurisent-ils pas davantage l’accès et le contrôle de ces armes létales ?

 

Les familles endeuillées, la population de Korat traumatisée et la société civile ont droit à des réponses : non, il n’est pas entendable de se faire « tirer dessus comme des lapins » en allant faire du shopping au Terminal 21 de Nakhon Rachasima le samedi du week-end de Makha Bucha, l’une des fêtes bouddhiques les plus vénérées dans le Royaume.

 

Dans un début d’explications, le Premier ministre Prayuth a parlé « d’un différend foncier » entre le tueur et son commandant ce qui corroborerait les propos parlant de « corruption » relayés sur le compte Facebook du dit Sergent ayant entraîné son ressentiment meurtrier à l’extrême. On sait que la corruption à tous les niveaux est endémique en Thaïlande mais elle n’avait jusqu’alors jamais provoqué une telle folie assassine.

 

Échec de l’armée ?

 

Les militaires thaïlandais sont à la croisée des chemins pour sauver la face, surtout leurs officiers supérieurs davantage habitués à renforcer leurs positions politiques, à user de leur influence, à obtenir de prestigieux cabinets ministériels et à perpétrer parfois un coup d’État pour maintenir leur pouvoir sur le pays. Ce que leur demandent aujourd’hui les Thaïlandais est de contrôler leurs troupes dans leur propre maison afin qu’un tel drame ne se reproduise jamais.

 

Philippe Bergues
Diplômé de l’Institut Français de Géopolitique – Paris 8
Professeur de lycée d’histoire-géographie

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