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BIRMANIE – POLITIQUE: La diplomatie impuissante face aux Coups d’État, un dilemme en Asie comme ailleurs

Journaliste : Yves Carmona
La source : Gavroche
Date de publication : 03/02/2021
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La chance de Gavroche, et celle de ses lecteurs, est d’avoir dans notre équipe de solides chroniqueurs très au fait des questions internationales et de la région Asie-Pacifique. Yves Carmona, ancien ambassadeur de France au Laos et au Népal, a cette capacité rare à faire le point sur des sujets délicats comme celui des rapports entre diplomatie et Coup d’État. L’exemple birman doit faire réfléchir. A lui la parole…Que tous nos lecteurs diplomates – et ils sont de plus en plus nombreux – se sentent libres de réagir !

 

Myanmar/Birmanie : que faire ? L’auteur de ces lignes craint d’ennuyer ses lecteurs en écrivant l’évidence.

 

Quand ils habitent en Thaïlande, beaucoup le savent même si c’est déplaisant, décourageant : face aux militaires, il n’y a rien à faire, le mieux est de ne rien faire.

 

Aung San Suu Kyi (ASSK) a été à nouveau privée de liberté. L’armée birmane (Tatmadaw) a repris un contrôle qu’elle n’avait en fait jamais abandonné, contrairement à ce qu’on voulu croire les médias et icônes occidentaux, sans parler de ceux qui ont bâti sur elle leurs carrières.

 

Les médias d’ailleurs ne parlent que d’elle, oubliant que d’autres responsables de la LND (Ligue Nationale pour la Démocratie, en anglais NLD), notamment le Président Win Myint, ont été également arrêtés. D’autres sont en fuite ou cachés (rappelons qu’aucun journaliste libre ne peut faire son métier dans ce beau pays).

 

L’armée birmane, elle, prétend que les élections de 2020 ont été entachées de fraudes (tiens, ça ne rappelle rien à personne ?), ASSK dit le contraire et a sans doute raison.

 

A ce stade, il faut relire la Constitution en vigueur depuis 2008.

 

L’armée birmane, la Tatmadaw, y conserve 25% de sièges et il faut 75% de sièges pour y changer quoi que ce soit.

 

Encore faut-il que le Président contresigne. Les militaires ont donc arrêté le Président et l’ont remplacé par le général Myint Swe, l’homme fort du régime. Celui-ci a ainsi tous les pouvoirs (article 412 de la Constitution de 2008) et sans doute l’intention de traduire ASSK en justice et de lui interdire d’être candidate à de futures élections.

 

Les articles 217 et 418 font mention du risque de désintégration de la République d’Union du Myanmar comme motif de l’instauration de l’état d’urgence, ce qu’un Parlement élu interdirait.

 

Mais pourquoi avoir perpétré un coup d’État maintenant ?

 

Deux raisons viennent à l’esprit :

 

1/ l’état de l’économie. L’armée a souffert de la Covid-19 comme tout le monde, peut-être encore plus du fait de ses intérêts, considérables.

 

2/ la position d’Aung san Suu Kyi elle-même : son conseiller Ko Ni avait été assassiné en 2017 et il constituait une épine dans le pied des militaires.

 

Elle menaçait «l’ordre établi» en proclamant qu’elle allait relancer les pourparlers permettant de mieux intégrer les ethnies minoritaires et risquait ainsi de bousculer leur pouvoir.

 

Depuis 2015, elle avait tenté de les amadouer, au risque d’affaiblir sa bonne image internationale en se montrant inflexible avec les Rohingyas. Mais elle était allée jusqu’à accuser devant la cour de La Haye en 2015 l’armée d’avoir eu « l’intention d’un génocide » contre eux.

 

Bien sûr, on ne peut prédire l’avenir mais l’armée a, en Birmanie, la situation bien en mains.

 

Qu’on permette à l’auteur de ces lignes d’évoquer les conversations qu’il avait eues avec des membres du pouvoir quand il était en fonction dans un pays de la région et qu’il continue à avoir avec ses amis qui y vivent.

 

Le meilleur service que la Dame du Lac puisse rendre à son pays, c’est de se contenter d’un titre honorifique. Il vaut mieux laisser la réalité du pouvoir là où elle est depuis très longtemps : aux forces de sécurité.

 

Et éviter de massacrer ceux qui ne sont pas contents. Le cours du fleuve de l’histoire est malheureusement souvent impitoyable.

 

Yves Carmona

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