Barack Obama, dans son livre «la Terre promise», référence religieuse, réalise une performance. 5 millions de souscripteurs à sa sortie, best-seller en France en 2020. Ce livre ayant été offert par un lecteur à l’auteur de ces lignes – merci ! – celui-ci en a lu les 973 pages en version française.
Une chronique livre d’Yves Carmona, ancien ambassadeur de France au Laos et au Népal
Pourquoi ce livre est-il agréable à lire, au-delà du regard médiatique ?
D’abord parce qu’il relate avec talent l’expérience humaine d’un homme, de sa famille, de ses amis, alors que Barack Obama n’est pas sorti de la cuisse de Jupiter et a été le premier Président noir de l’histoire américaine, c’est donc un témoin de cette histoire tout-à-fait original.
Ne pas interférer avec la campagne Biden
Barack Obama a publié ce livre avant qu’on sache que son ancien vice-président Joe Biden allait gagné l’élection présidentielle. Son récit (1er tome, il y en aura un autre) s’achève en 2011. Il évoque peu Joe Biden. On sait que le vice-président est institutionnellement désigné pour remplacer le Président en cas de besoin mais n’a pas de vrai rôle. Barack Obama a aussi sans doute voulu éviter d’interférer avec sa campagne électorale. Ou peut-être nourrit-il à l’égard de Joe Biden d’autres sentiments. En revanche, il n’a pas de mots assez durs pour celui qui lui a succédé.
« Et cela [le racisme], Donald Trump le comprenait parfaitement lorsqu’il a commencé à prétendre que je n’étais pas né aux États-Unis et que j’étais donc un président illégitime. Aux millions d’Américains terrifiés d’être dirigés par un Noir, il a offert un élixir contre leurs angoisses raciales. »
Comprendre le système américain
L’expérience de Barack Obama à la Maison blanche est certainement utile aux non-experts pour comprendre le système américain mais finalement assez peu pour comprendre sa politique extérieure qu’il commence à évoquer P.572.
Ce n’est pas un livre de géo-politique, c’est un livre d’humanité.
D’une part parce qu’Obama respecte la loi et ses collaborateurs, donc le secret, d’autre part parce que ce qui compte pour un dirigeant politique américain, ce livre nous le rappelle, c’est ce qui se passe au sein même des États-Unis.
America First
L’album photo qui orne la fin de l’ouvrage est révélateur. On y voit le Président chinois Hu Jin Tao, le premier ministre indien Mamohan Singh, le président égyptien Moubarak et le premier ministre israélien Netanyahou. 4 étrangers et non des moindres, mais sur plusieurs centaines de clichés : « America first » a dit son successeur, cela s’impose à tout Président américain.
Barack Obama en 2008 comme Joe Biden en 2021 sont confrontés à de graves crises intérieures et c’est là qu’est la priorité. Obama raconte de manière détaillée comment il a contribué à la résolution de la crise des subprimes début 2009. Il faut arriver À la page 579 pour parler de manière plus précise de politique étrangère, et c’est naturellement d’abord le Moyen-Orient – Irak, Afghanistan, Arabie saoudite qui y figurent. Mais qu’on ne s’attende pas à des révélations, il n’y en a quasiment pas.
Barack Obama rapporte en témoin ce qu’on sait déjà – par exemple que Sarkozy se gonfle d’importance ou que les Saoudiens offrent des cadeaux somptuaires pour s’attirer les bonnes grâces de leurs visiteurs.
On sait combien de Présidents américains ont mené une politique extérieure de grande qualité mais perdu l’élection suivante…
Bref, ce gros livre vaut surtout par celui qui l’écrit, né pauvre, devenu grâce à son seul travail avocat puis homme politique, grand témoin d’une histoire en train de se faire, professeur sachant animer une équipe, écoutant autant qu’il décide, parlant presque autant de ses filles et de son chien que de ses conseillers.
Quel contraste avec l’égoïsme total de Trump !