Troisième rendez vous avec le dessinateur Stephff, bien connu en Thaïlande, à l’occasion de la parution de son livre «Farang Affair» que vous pouvez commander en direct, au prix de 1500 bahts. Quels changements en Thaïlande depuis trente ans ? Quelle image des «farangs» dans le royaume ? Et quelles leçons le caricaturistes tire-t-il de ses propres dessins ? Contact : stephff.cartoonist@gmail.com
Le dessinateur que vous êtes est homme d’observation. Bangkok et la Thaïlande ont énormément changé en trente ans. Pour le meilleur ?
Oui et moi aussi j’ai changé également. J’ai trente ans de plus et la ville chaotique à la ‘blade runner’ que j’adorais me fatigue un peu maintenant. Surtout les département stores, je fais une vraie allergie à ces lieux de total aliénation. Pour le meilleur, c’est difficile à dire, il y a des choses qui s’améliorent, il y a des choses qui ne changent pas beaucoup. La vraie révolution sociale – celle que les Thaïs “d’en bas” attendent n’est toujours pas arrivée. En fait, le coup d’état et la neutralisation du Futur Forward Party ont retardé l’échéance du vrai grand changement qui viendra forcément un jour mais on ne sait plus trop quand. Je suis tenté de dire que les Thaïs sont plus éveillés politiquement que dans le passé – mais c’est surtout plus qu’ils sont maintenant conscients qu’il y a un vrai problème, qu’ils vivent dans un système féodal et socialement injuste. Mais le smartphone et les réseaux sociaux sont aussi une arme de résistance efficace contre la dictature pour ceux qui savent bien l’utiliser. Donc il y a de l’espoir.
– Être «Farang» en Thaïlande, c’est toujours bénéficier d’une forme d’indulgence ? On dit souvent que les thaïs tolèrent des étrangers ce qu’ils n’acceptent pas entre eux. Vrai ?
Oui oui c’est très vrai . Mais il faut de préférence commettre ces erreurs avec humilité, gentillesse et avec le sourire, pour la même erreur faite avec arrogance et en haussant le ton, vous prenez une balle dans la tête ( et je caricature à peine )
– Vous êtes connu, aimé, apprécié de la communauté «farang», mais d’autres doivent vous détester non ?
En fait je suis surtout connu par la communauté Française parce que j’ai longtemps fait des dessins pour Gavroche. Quant à être détesté, oui bien sûr mais ça fait partie du job, ça fait longtemps que je l’accepte et que je m’en régale même. Une règle circule chez les caricaturistes que si un dessin n’a énervé personne, c’est que le dessinateur a mal fait son boulot. On peut voir les choses de cette manière : la caricature c’est un peu la revanche douce du juste sur les méchants, les psychopathes, les connards. Donc comme notre monde est quand même bien pourvu en matière de gens toxiques, vous allez forcement énerver beaucoup de gens avec des vérités crues. La finalité de la caricature est bien de créer une réaction – au-delà de faire rire. Le dessin est un coup de poing dans la figure du puissant ou du méchant. Et d’après vous, qui ça fait rire ? Les gentils ou les méchants ?
– Et vous-mêmes, êtes-vous un «Farang» aussi caricatural que ceux représentés dans vos dessins?
Oui bien sûr , d’ailleurs une bonne partie des situations que j’ai dessinées sont des situations que j’ai moi-même vécues. Pas toutes heureusement car il y en a quelques-unes un peu sanglantes ah,ah,ah ! Donc au final, ne pas perdre de vue que je me fiche de ma propre figure en premier lieu puisque je me sers d’abord de mon vécu. Il y a d’ailleurs souvent un quiproquo avec les lecteurs Farangs qui sont dans le pays depuis pas longtemps et qui interprètent mes dessins comme une sorte de ‘vieux de la vieille’ qui prend de haut tous les ‘petits jeunots’. Ce bouquin il faut vraiment l’aborder comme les conseils de quelqu’un qui a déjà testé pour vous toutes ces situations drôles en tant que cartoon mais parfois dangereuses dans la vraie vie ! Conclusion, ce livre en plus de vous faire possiblement rire si vous acceptez de rire de vous-même vous sauvera peut-être un jour la vie qui sait. Et 1 500 bahts, franchement c’est pas cher payer pour avoir la vie sauve…
Retrouvez ici les deux précédents épisodes de notre conversation avec Stephff:
Épisode 1 : ici
Épisode 2 : ici