Afin de protéger l’industrie du tourisme primordiale pour le royaume , le gouvernement et le parlement travaillent à une politique de soutien appuyée par l’armée. Le 16 avril, la création d’un comité sénatorial du tourisme composé de 23 membres dont 14 généraux a en effet été annoncée. Tous les membres de ce comité sont des sénateurs cooptés par le premier ministre Prayuth et non élus. Ce comité, sous la direction du général Thanasak Patimaprakorn, ancien vice-Premier ministre de la junte installée après le coup d’État de 2014, compte dans ses rangs le général Preecha Chan-ocha, frère de l’actuel chef du gouvernement. Notre collaborateur Philippe Bergues analyse cette nouvelle donne.
Une analyse de Philippe Bergues
A n’en point douter, la crise du coronavirus a brisé le bel élan du tourisme thaïlandais, 39,8 millions de visiteurs étrangers en 2019, 41 millions espérés par le Tourism Authorithy of Thailand (TAT) en 2020 et désormais….moins de 15 millions attendus au mieux d’ici la fin 2020. La pandémie est passée par là. Car celle-ci a fragilisé tout ce secteur clé en Thaïlande : des centaines de milliers d’emplois directs ou indirects dépendent du tourisme qui représente, selon les chiffres, de 12 à 20 % du PIB.
Que connaissent les généraux du tourisme ?
La nomination au sein de ce comité du général Preecha Chan-ocha, frère de l’actuel chef du gouvernement, est la plus troublante. Cette décision a en effet provoqué une cascade de réactions négatives de l’opposition parlementaire et sur les réseaux sociaux ironisant sur les compétences des militaires pour trouver des solutions adaptées à panser les blessures d’un secteur qui a rapporté plus de 57 milliards d’euros en 2019.
Jugeons en : le porte-parole du Pheu Thai, principal parti d’opposition, Anusorn Iamsa-ard, se dit « peu certain que les acteurs de l’industrie touristique soient plein d’espoir de voir le général Preecha présent dans ce panel », « qu’il y a eu des accusations de conflits d’intérêts impliquant des sénateurs rémunérés avec les impôts des contribuables et que, quand le peuple leur a demandé de baisser leurs indemnités pour aider durant cette crise, ils ont fait la sourde oreille…donc ces nominations ne montrent aucun respect pour le peuple ».
Sur la page Facebook «Thai Tourism» présentant le trombinoscope du comité, 5400 commentaires d’internautes thaïlandais doutent de la réelle efficacité de l’expertise des généraux en la matière avec des remarques les assimilant « à des golfeurs », dénonçant les projets d’achat de sous-marins comme de l’argent public mal utilisé, « ne se battant jamais, seulement contre leur propre peuple » et remettant en cause leurs connaissances sur le management et le tourisme « hormis le tourisme militaire ».
Des réponses à la hauteur des attentes ?
Cette volonté des militaires thaïlandais de participer à la supervision des affaires touristiques du Royaume dans ce contexte de crise n’est finalement pas si étonnante, habitués qu’ils sont à multiplier les activités parallèles lucratives. Les hôteliers et restaurateurs, qu’ils soient issus de grands groupes internationaux ou domestiques, d’entités familiales ou indépendantes attendent des réponses claires et précises face à l’inquiétude de la non-rentrée actuelle de recettes avec la mise en place d’un plan de soutien massif. Et que ce plan n’oublie pas les plus petits : guides, loueurs en tout genre, chauffeurs de taxis.
Une politique de relance touristique énergique pour le jour d’après devra aussi être pensée : l’Office du tourisme thaïlandais a depuis longtemps démontré son savoir faire et son efficacité en matière de stratégie touristique pour attirer les voyageurs des cinq continents. Des militaires thaïlandais en mode «gentils organisateurs» ? «Amazing Thailand !»
Philippe Bergues
Diplômé de l’Institut Français de Géopolitique – Paris 8
Professeur de lycée d’histoire-géographie