Nous reprenons souvent des extraits des analyses publiées par le site Asialyst, dont nous vous recommandons chaudement la lecture. Connectez vous ici. A noter dans la dernière livraison de la lettre hebdomadaire d’Asialyst, un article de l’économiste Jean-Raphaël Chaponnière sur l’efficacité des mesures prises en Thaïlande pour contrer l’épidémie de Covid 19. Un sujet de débat, à l’heure où les points de vue divergent sur l’efficacité ou non du confinement strict de la population.
Nous publions des extraits d’une analyse parue sur le site Asialyst dont nous recommandons chaudement la lecture ici.
Autant la performance du Vietnam dans la crise du coronavirus surprend, autant celle de la Thaïlande pouvait être anticipée. en 2019, au classement mondial de la sécurité sanitaire établie par l’université américaine de Johns Hopkins, le Royaume figurait en 6ème position, devant la Corée (9ème) et la France (11ème). Le Vietnam, lui, pointait à la 50ème place. Cependant, l’excellence des hôpitaux ne suffit pas à rendre compte du succès thaïlandais dans la lutte contre le Covid-19.
Fabrication de gel et de masques
Dès le 2 février, le ministre de la Santé Anutin Charnvirakul encourageait les Thaïlandais à fabriquer eux-mêmes leur propre désinfectant pour les mains et des masques pour freiner la propagation du nouveau coronavirus. À cette date, le Covid-19 avait contaminé 25 personnes, contre 20 000 en Chine. Alertée, la population thaïe s’est montrée très prudente. Peu fréquentés, cafés et restaurants étaient encore ouverts au début de la troisième semaine de mars. Si la Thaïlande a tardé à interdire l’entrée de touristes chinois – une posture mal vécue par la population -, l’interdiction par Pékin de voyager en groupe avait fait déjà chuter les départs depuis la Chine vers le Royaume, l’une des destination préférée des Chinois.
Fin février, le pays ne comptait officiellement que 42 cas décelés.
Les scénarios de pandémies
Un rapport confidentiel du ministère de la Santé cité par Kavi Chongkittavorn évoquait plusieurs scénarios de pandémie et les mesures qui s’imposaient : quarantaine, tests, confinement partiel, gestes barrières, arrêt des entrées dans le Royaume et, à Bangkok, prise de température et gel antiseptique à l’entrée de tous les magasins. L’usage des masques, déjà utilisés une partie de l’année au moins contre la pollution de l’air, dans la capitale et à Chiang Mai notamment, relève du réflexe en Thaïlande. Il s’est instantanément généralisés dans le courant du mois de mars.
Centre Covid 19 le 12 mars
La création le 12 mars du Centre for Covid-19 Situation Administration (CCSA) a signalé la volonté du gouvernement de lancer la lutte contre la pandémie. Des mesures barrières ont été instaurées dont l’obligation de porter un masque dans les transports publics. La Thaïlande a joué la transparence. Le CCSA publie chaque jour à 11h30 les données sur l’état de la pandémie en s’appuyant sur les chiffres des hôpitaux, des centres de santé et également des volontaires de santé au niveau des villages. Alors que Singapour a ignoré les travailleurs immigrés, la Thaïlande prend en compte la situation des migrants venus de Birmanie, du Laos et du Cambodge.
Entre le 20 et le 23 mars, le nombre de cas a triplé. L’accélération a fait redouter une explosion de l’épidémie. Le doyen de la faculté de Médecine de l’université de Mahidol est alors intervenu pour lancer un avertissement : en l’absence de mesures drastiques, le nombre de cas dépasserait les 350 000 et le pays déplorerait 7 000 morts à la mi-avril.
Le 27 mars, le gouvernement a donc déclaré l’état d’urgence sanitaire. Il devrait être levé le 30 avril. À cette occasion, le Premier ministre Prayut Chan-ocha a précisé que lui seul, ou une personne nommée par lui, renseignerait le public sur l’évolution de la situation. En prenant ce décret, il a de facto restauré les pouvoirs qu’il s’était donnés en instaurant la loi martiale en 2004. Ce cadre exceptionnel a permis d’arrêter Danai Ussama, un artiste de Phuket qui avait critiqué sur Facebook l’attitude laxiste des autorités à l’aéroport Suvarnabhumi. Il risque cinq ans de prison et une amende de 3 045 dollars pour avoir posté des « fausses informations ».
Etat d’urgence sanitaire
L’état d’urgence sanitaire a étendu à toutes les provinces les mesures instaurées à Bangkok, dont la fermeture des grands centres commerciaux. La stratégie thaïlandaise de lutte contre le Covid-19 a épargné le secteur manufacturier, qui représente 30 % du PIB. Les autorités ont préféré ne pas instaurer de confinement généralisé, qui aurait handicapé les activités du secteur informel. Seules les personnes jugées à risque (moins de cinq ans et plus de 70 ans) ont été obligées de rester à la maison. Un dispositif de contrôle a été mis en place dans les transports interrégionaux, avec 250 check-points gérés par l’armée…