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GAVROCHE – ROMAN: dans nos archives, «La fille qui aimait les nuages», épisode 2

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 16/05/2020
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Un roman feuilleton digne des grandes heures de la presse. Chaque semaine, deux épisodes d’un polar signé Patrice Montagu-Williams, auteur de «La porte de Jade» (Ed. Balland). Le premier épisode de «La fille qui aimait les nuages» nous racontait le départ pour l’aéroport de Hanoï de Anh Hùng, l’un des plus importants personnages du parti communiste vietnamien au pouvoir. Destination ? Paris, en compagnie de sa fille Ai Van. Une jeune femme sur les épaules de laquelle pèsent tant de secrets…

 

« La fille qui aimait les nuages » / Episode 2 par Patrice Montagu -Williams

 

Rappel de l’épisode 1: Anh Hùng, l’un des plus importants personnages du parti communiste vietnamien au pouvoir, part en convoi pour l’aéroport de Noi Bai, à Hanoï. Destination ? Paris, en compagnie de sa fille Ai Van. Une jeune femme sur les épaules de laquelle pèsent tant de secrets…

 

Épisode 2: Le convoi se range au pied de l’Airbus A350XWB, l’un de ces gros biréacteurs nouvelle génération dont Vietnam Airlines vient de faire l’acquisition. La carlingue est peinte en bleu ciel, sauf le ventre de l’avion, qui est tout blanc, comme celui d’un squale. Une fleur de lotus couleur or décore l’empennage. Depuis que sa flotte ne comporte plus aucun jet d’origine soviétique, la compagnie n’a pas connu d’accident majeur. Vietnam Airlines est même considérée comme l’une des meilleures et des plus sûres au monde.

 

Sous les caméras de VTV 4, la chaîne d’état, les membres de la délégation gravissent un à un la passerelle avant de l’appareil, celle qui est dévolue à la classe affaires qui leur est entièrement réservée pour ce voyage. Tous affichent un sourire de commande. Avant de monter à son tour dans l’avion, Anh Hùng explique, l’air grave, au reporter de la télévision qu’il s’agit d’une mission stratégique pour le pays menacé par une puissance extérieure dont il ne dit pas le nom.

 

Retard pour le vol vers Paris

 

Un journaliste de Nhân Dân, l’organe central du Parti, accompagne le groupe. Dans le hall d’embarquement de l’aérogare, les passagers, et parmi eux, beaucoup de touristes venus au Vietnam pendant la saison sèche, attendent sagement. On les a prévenus que le vol pour Paris aurait du retard, car ils voyageraient en compagnie d’une importante délégation officielle.

 

Une fois installé à bord, Anh Hùng écoute distraitement la conversation entre sa femme et sa fille, toutes deux très excitées à l’idée d’aller à Paris, la ville de leurs rêves. Voir Ai Vân aussi heureuse le comble et lui fait oublier ce que la vie lui a réservé jusqu’ici. Il y a quelques temps encore, il voulait la marier au fils d’un ponte du Parti. Mais les nouveaux plans qu’il a en tête l’ont fait changer d’avis. Il faudra d’ailleurs qu’il en parle à sa femme et à sa fille aussitôt qu’ils seront rentrés à Hanoï. Il n’est pas inquiet : c’est toujours lui qui avait décidé de tout dans la famille.

 

L’agent du TC2

 

Huyên, l’agent du Département n°2 du renseignement militaire, le TC2, vient lui rappeler qu’ils doivent faire le point, avant l’atterrissage, sur le contrat qu’ils vont devoir négocier ainsi que sur tous les problèmes liés à la sécurisation des déplacements des membres de la délégation dans la capitale française.

 

Anh Hùng comprend aussitôt ce que veut dire le mot sécurisation dans la bouche d’un agent des services secrets : il s’agit que personne, y compris lui-même et sa famille, n’échappe à son contrôle.

 

— Laisse-moi dormir un peu, lui répond-il. On a le temps : le vol dure douze heures.

 

Pour le moment, il a besoin de se reposer, car il est épuisé.

 

Le camp de Lang Co

 

Dès qu’il ferme les yeux, son passé, qu’il a toujours caché à sa femme et à sa fille, qui savent simplement qu’il a dirigé ce que le Parti présentait officiellement à l’époque comme un « camp de rééducation », à Lăng Cô, près de Huế, remonte en lui, comme une envie de vomir.

 

Ce « camp de la mort lente », comme on l’appelait, était de niveau cinq. L’on y emprisonnait les individus jugés les plus dangereux, comme les écrivains, les juges ou les chefs de province du sud du pays, après sa libération. Travail forcé douze heures par jour, deux bols de riz et deux bouillons pour toute nourriture, séances quotidiennes d’endoctrinement le soir, autocritique permanente et obligatoire. Pas de médicaments. Pas besoin non plus de fusiller les prisonniers récalcitrants : il suffisait de les laisser crever d’épuisement, de béribéri, de tuberculose ou de dysenterie. Désespérés, humiliés, les malades se laissaient mourir.

 

«Enfer Rouge, mon amour». C’était le titre du bouquin d’un type qui racontait ce qu’il avait subi dans un camp. Il voulait faire la lumière sur ce qui s’était passé derrière « le rideau de bambou », comme il l’appelait. Le livre avait fait un tabac en France et Anh Hùng se souvenait l’avoir lu, à sa parution. Tout ce qu’il racontait était vrai mais il ne regrettait rien : il n’avait fait qu’obéir aux ordres du Parti…

 

Les salauds

 

Mal à l’aise, Anh Hùng se réveille et fait la grimace : la bave a coulé sur le devant de sa chemise !

 

Tous les salauds qui m’accompagnent ont fait pire que moi, se dit-il, en s’essuyant. C’est ça qui les rend aussi dangereux..

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