Retrouver ici une nouvelle chronique de notre ami libraire Olivier Jeandel. Ce livre, publié en 2012, du sinologue Simon Leys regroupe divers essais jusqu’alors dispersés dans son œuvre, agencés selon ses domaines de prédilection : la Littérature, la Chine et la Mer.
Simon Leys évoque dans la préface les deux années qu’il passa dans sa jeunesse en compagnie d’amis chinois dans une cahute de Hong Kong rebaptisée « le studio de l’inutilité ». Citant l’écrivain chinois Zhuang Zi, « les gens comprennent tous l’utilité de ce qui est utile, mais ils ignorent l’utilité de l’inutile », ce recueil s’achève sur le discours qu’il prononça en 2005 à l’université catholique de Louvain où il insistait sur la vocation anti-utilitariste de « recherche de la vérité » des universités.
Dans le chapitre consacré à la littérature, Simon Leys aborde la « belgitude » d’Henri Michaux et la normalisation qu’aurait subie l’œuvre du poète francophone lorsqu’il adopta la nationalité française. La différence induite en littérature entre petits et grands pays n’aura cessé d’obséder Leys et ce qu’il nous révèle des retouches « politiquement correctes » apportées par Henri Michaux à son texte majeur, Un barbare en Asie, a de quoi interpeller.
Se déroulent ensuite des portraits d’écrivains sur lesquels Simon Leys apporte son regard plein d’admiration, jamais dénué de sens critique : il décrit la personnalité méconnue de George Orwell dont il aura été l’un des premiers à revisiter la pensée politique bien avant la mode actuelle, passe de Joseph Conrad à Victor Ségalen, incitant par exemple les jeunes lecteurs à découvrir la philosophe Simone Weil qu’admirait tant Albert Camus. Cette vocation pédagogique culmine dans le dernier chapitre consacré au thème de la Mer où l’on se trouve saisi, à la lecture « amoureuse » de Simon Leys, de l’envie de se plonger dans les textes révélés par ce grand érudit même si l’on a peu d’appétence pour le sujet !
Le chapitre consacré à la Chine est court mais indispensable tant ce connaisseur lucide du pays du Milieu, qui aura décelé en son temps les mensonges du maoïsme, appartient aujourd’hui aux esprits revêches peu convaincus des bienfaits du « grand bond en avant » capitaliste-libéral, notamment dans le texte consacré à Liu Xiaobo, Prix Nobel de la Paix 2010.
Retenons aussi l’attention que Leys porte à son ami, le journaliste et historien Francis Deron qui décédera en 2009, quelques mois après la parution de son maître livre Le Procès des Khmers rouges, dont la chronique est insérée dans ce chapitre.
Olivier Jeandel
Le studio de l’inutilité de Simon Leys
Paris : Flammarion, 2012. 301
Plus d’infos, contactez la librairie Carnets d’Asie.