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CHRONIQUES DE SUKHOTHAI: Mémoires impudiques

Journaliste : Michel Hermann
La source : Gavroche
Date de publication : 20/05/2019
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Voici une Chronique de Sukhothai que Michel Hermann a dépoussiérée pour la rendre plus vivante et factuelle. C’est bien sûr une pure fiction (Ou presque).

 

J’étais venu ici, malheureux et proscrit,
Pour respirer dans les indolentes rizières,
Entre maisons en teck et boueuses rivières,
Braver des jours torrides et d’impudiques nuits.

 

Peu m’importaient les serpents et les fourmis rouges,
Les mortelles scolopendres aux mille piquants,
Les moustiques, les crapauds et leurs agrestes chants,
Qui meublaient les silences quand plus rien ne bouge.

 

Le chant matinal des oiseaux mettait de l’ordre
A ces clameurs. La nature reprenait vie.
Les temples s’éveillaient et les moines mendiaient.
Les chiens errants repus s’enfuyaient en désordre.

 

Dans la rue s’installaient les marchés du matin.
Une soupe de riz bien chaude m’attendait,
Servie par des nymphes en sarongs colorés.
La gaieté était là, loin des esprits chagrins.

 

Car Noï, Pen, Kung, Saï-Saï et les autres vendeuses
Riaient comme toujours derrière leurs étals,
En livrant soupes, grâces, et autres régals
Aux matinaux errants, travailleurs, travailleuses.

 

Pourtant, malgré ces avenantes créatures
Aux prunelles moqueuses et au corps généreux,
Mes tourments, parfois, me rattrapaient en ces lieux.
Je m’échappais alors vers d’autres aventures.

 

À midi, chez Tim, il y avait le déjeuner :
Quelques chaises solides et des tables en bois,
Restaurant de plein air protégé par un toit,
Où des belles servaient des menus épicés.

 

Leurs va-et-vient guillerets soulageaient ma peine.
La bière, les bruits confus et leur doux visage,
Leur démarche lente et leurs airs d’enfants sages,
Exposaient à ma vue leurs beautés aériennes.

 

Elles savaient parfois mettre du sel dans ma vie,
Sans arrière-pensées, sans soucis, sans tintouin,
M’offrant leur cœur et le reste, pour trois fois rien,
Pour des amours furtifs et des jeux interdis.

 

Le soir, je fréquentais les karaoké-bars,
Les fripons enivrés et les gestes impudiques,
Les chanteuses fardées et leurs refrains lubriques
Qui consolaient l’esseulé, l’entourant de leurs bras.

 

Lorsqu’il me restait quelques souffrances cachées,
Toey, la jeune infirmière et sa coiffe blanche,
Me donnait parfois, son cœur, ses seins et ses hanches,
Pour guérir avec ardeur mon âme damnée.

 

Il m’arrivait aussi, dans un ultime élan,
D’aller frapper la nuit chez Namsaï, la masseuse.
Qui savait soulager de ses mains baladeuses
Les étranges troubles qui me perturbaient tant.

 

Dans ce calme feutré, sensuel, hors du temps,
Je rêvassais, ne pensais plus, fermais les yeux.
Sous ses petits doigts musclés au toucher soyeux,
Je m’enfonçais dans un doux sommeil relaxant.

 

J’avais fui ces jours qui ressemblaient tant aux soirs,
Le divan des psys et les salons parisiens.
Je rêve de Sukhothai, souvenirs lointains
D’étreintes endiablées qui hantent ma mémoire.

 

Michel Hermann

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