Publié une première fois en français en 1914 sous le titre original « Brève et véridique relation des événements du Cambodge », le texte que publient les éditions toulousaines Anacharsis sous un nouveau titre accrocheur mais pertinent, reprend intégralement la traduction de l’espagnol réalisée alors par Antoine Cabaton (1863-1942), l’une des figures fondatrices de l’EFEO.
Les notes et la présentation sont par contre entièrement revues, mais il est dommage de ne trouver nulle part mention de leur excellent auteur qui éclaire maints passages passablement obscurs du texte de Gabriel Quiroga de San Antonio, dominicain espagnol belliqueux qui s’était piqué de relater les aventures des hardis fiers-à-bras portugais et espagnol Diego Belloso et Blas Ruis, qui tentèrent, dans les dernières années du XVIè siècle, de conquérir le Cambodge.
Menacés par la pression siamoise et l’ambiance de guerre civile dans le pays, ils réussirent à mobiliser à cette fin les espagnols des Philippines. Ceux-ci reçurent néanmoins pour consigne de ne point trop en faire !
Tout lecteur intéressé par l’histoire de l’Asie du Sud-est se doit donc de découvrir ce texte singulier publié à Valladolid en 1604 et qui fait partie des plus anciennes recensions étrangères sur le Cambodge et la péninsule indochinoise, dont il se régalera tant la présentation des aventures des conquistadores impliqués apparaissent tortueuses et rocambolesques, et les descriptions colorées de la faune, de la flore, des mœurs et des richesses des peuples d’Asie pour le moins savoureuses !
D’autant qu’il est surtout question de relater le lamentable fiasco de conquistadores invariablement massacrés ou noyés dans des naufrages pour convaincre le roi d’Espagne de s’impliquer de nouveau dans la conquête du riche royaume du Cambodge : « Votre Majesté, en colonisant ce royaume ou les royaumes voisins, augmentera ses revenus et enrichira ses vassaux excessivement » !
On retiendra pour finir et ouvrir l’appétit du lecteur, cette perle sur Angkor : « Il y a beaucoup de Juifs dans le royaume de Chine. Ce sont eux qui édifièrent au Cambodge la ville d’Angkor qui, ainsi que je l’ai dit, fut découverte en 1570. Ils l’abandonnèrent quand ils émigrèrent en Chine, ainsi que les Juifs de l’Inde orientale me le racontèrent lorsque passant par là, je m’entretins avec eux de ces questions… »
Olivier Jeandel
Librairie Carnets d’Asie
“Les Derniers Conquistadores : la Non-Conquête du Cambodge”, Gabriel Quiroga de San Antonio
Traduit de l’espagnol par Antoine Cabaton. Anacharsis, Toulouse, 2009, 149 pages