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GAVROCHE – ROMAN: Dans nos archives «La fille qui aimait les nuages», épisode 15

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 26/06/2020
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La fin de l’histoire approche. Tant d’espoirs déçus. Trois vies gâchées. Anh Hùng, le chef de la délégation du parti communiste vietnamien venu à Paris négocier un contrat d’armement, s’est retrouvé pris au piège de sa propre vie. Imaginer pouvoir, après tant d’années de combat idéologique et politique, recouvrer sa liberté pour que sa fille Aï Van, puisse épouser la liberté et chérir l’homme qu’elle aime. Patrice Montagu-Williams s’affirme, pour la conclusion de son roman-feuilleton exclusif, comme un nouveau maitre du polar asiatique. Le moment est venu, pour les lecteurs qui le découvre, de plonger dans l’intégralité des épisodes que vous pouvez retrouver dans cet épisode.

 

Résumé de l’histoire et de l’épisode 14 : On découvre les corps d’Anh Hùng, le chef de la délégation du Parti communiste qui s’était rendue à Paris pour négocier un important contrat d’armement, et de Mai, sa femme, dans leur chambre d’hôtel. L’enquête est retirée à la PJ et confiée à la Direction du Renseignement Militaire, en raison du Secret défense. Les intérêts supérieurs des deux parties font que l’affaire sera étouffée.

 

Épisode 15 – Un roman de Patrice Montagu-Williams

 

Au cimetière de Thiais, on enterre les corps que personne ne vient réclamer, comme ceux des SDF que l’on ramasse l’hiver dans la rue, ou encore les cadavres des inconnus que l’on a disséqués à l’Institut Médico-légal et dont on ne sait que faire. On y disperse aussi les cendres des personnes ayant fait don de leur corps à la science et on y enterre, dans « le carré des anges », les enfants mort-nés. Thiais est enfin un cimetière qui accueille toutes les religions : on y trouve, en apparence réconciliés, des catholiques, des protestants, des orthodoxes, des musulmans et des bouddhistes.

 

Un dragon en plâtre

 

C’est Haï qui a tout pris en charge avec l’aide de l’association où travaille Bang Thuy, sa mère. Ai Vân a choisi un dragon en plâtre pour décorer la tombe de ses parents. Comme la plupart des dragons asiatiques, il n’a pas d’ailes. Il n’est pas non plus agressif, comme les dragons occidentaux, et ne crache pas de flammes.

 

— Même les communistes savent qu’il existe un monde de l’au-delà. Seulement, ils n’ont pas le droit d’en parler, lui a dit Bang Thuy.

 

Bol de riz et oeuf bouilli

 

On s’est efforcé de respecter au mieux les traditions : un coupon d’étoffe noué en forme de poupée et destiné à recevoir l’âme des défunts a été placé sur chacun des corps. On a glissé dans la bouche des cadavres une poignée de riz et trois sapèques, des pièces rondes avec un trou carré en leur centre, de façon à permettre à l’âme des morts de payer les frais de route au cours de leur voyage dans l’au-delà. Les corps ont été ensuite mis en bière et l’on a déposé sur les cercueils un bol de riz et un œuf bouilli.

 

Le convoi funèbre comportait des drapeaux mentionnant le nom et l’âge des défunts. Il y avait aussi deux « maisons de l’esprit », qui devaient être brûlées au moment de l’inhumation, ainsi que deux bateaux destinés à conduire les âmes au mont Meru, ce mont mythique considéré comme l’axe du monde dans la mythologie bouddhiste. Quant aux cercueils, ils étaient recouverts d’une sorte de maison de papier richement décorée.

 

Trois joueurs de trompette

 

Revêtue d’un vêtement de grand deuil, une tunique de chanvre sans couture ni ourlet, Ai Vân marchait la première. Ses cheveux dénoués flottaient dans son dos et elle portait sur la tête une sorte de capuchon de coton. Haï avait réussi à trouver dans son quartier, pour la cérémonie, trois joueurs de trompette et un homme qui frappait en cadence sur un petit tambour.

 

On a descendu les cercueils dans la fosse et on s’est efforcé de les orienter de la façon qui conviendrait le mieux aux âmes des défunts au moyen d’une boussole géomagnétique, puis on a reposé la dalle.

 

Les opposants ne ressuscitent jamais

 

— Vous êtes venus pour vous assurer qu’ils sont bien dans la tombe et qu’ils ne vont pas ressusciter ? demande Haï à Huyên qu’il n’avait pas remarqué et qui s’est approché de lui discrètement.

 

— Chez nous, les opposants ne ressuscitent jamais, inspecteur.

 

— Et qu’elle est la version officielle de cette double mort, capitaine ?

 

— La version officielle est que, ne pouvant rentrer au Vietnam pour ne pas abandonner leur fille qui voulait rester en France, ses parents ont préféré se donner la mort.

 

— Et cela vous apparaît constituer une information crédible pour votre opinion publique ?

 

Quand le parti décide..

 

— On voit que vous ne connaissez pas votre pays d’origine, inspecteur. Chez nous c’est le Parti qui décide souverainement si une information est crédible ou non. Et le Parti se trompe rarement, comme vous le savez. Quant à l’opinion publique, c’est un concept capitaliste qui n’a pas cours dans une démocratie populaire. De vous à moi, cela rend l’action de la police beaucoup plus facile à mener, vous l’imaginez. Venez vous installer chez nous. Votre savoir-faire fera merveille.

 

— Vous ne m’en voudrez pas de refuser votre proposition, capitaine, mais ces deux mots attachés l’un à l’autre, démocratie et populaire, évoquent en moi trop de famines et de massacres de masse, trop d’arrestations arbitraires et de procès truqués, trop d’exécutions sommaires et de morts dans des camps.

 

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