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THAÏLANDE – TOURISME : Lac Cheow Larn, le joyau de Khao Sok

Journaliste : Rédaction
La source : Gavroche
Date de publication : 27/06/2020
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Nouveau reportage issu de nos archives sur le parc national de Khao Sok. Situé à peu près à mi-chemin entre Surat Thani et Krabi, au centre de cet isthme de Kra qui a décidément bien plus à offrir que son rôle de passerelle entre les îles du Golfe et celles de la mer d’Andaman, le parc national de Khao Sok mérite mieux qu’une excursion à la journée depuis Phuket. Ne serait-ce que parce qu’ici, tout est plus grand qu’ailleurs.

 

Imaginez la scène : l’aube pointe à peine, il doit être 6 heures du matin, lorsqu’un vacarme d’alarme de voiture déchire le calme ambiant et vous réveille en sursaut. Mais où êtes-vous donc ? Dans une rue bruyante de Bangkok ? L’eau verte que vous apercevez à travers les interstices des lattes constituant le plancher de votre logis tend à indiquer que non, et le passage d’une nuée d’alevins à quelques centimètres de votre nez, comme s’ils sortaient de sous votre couche, confirme cette déduction…

 

Ne cherchez pas, vous êtes tout simplement – et très littéralement – SUR le lac Cheow Larn, au cœur du parc national de Khao Sok, et l’alarme qui semble désormais rebondir de part et d’autre des rives du bras de lac où vous séjournez n’est autre que le cri des macaques. Macaques qui ont été bien inspirés de vous réveiller si bruyamment, puisque c’est justement eux que vous devez aller observer au cours d’un « early morning boat safari » vraiment très « early ».

 

Vos réticences grommelantes à vous extirper de votre cabanon de bois et de feuilles pliées à une heure à priori incompatible avec votre définition des vacances risquent cependant de s’évaporer dans l’atmosphère lacustre tant le spectacle du lac recouvert par une nappe de brume est poétique. D’ailleurs, après avoir avalé rapidement un café sur le ponton faisant office de cantine pour les groupes séjournant ici, vous voilà prêt à fendre cette brume à bord d’un long tail dans lequel vous et vos camarades avez pris place.

 

 

Le brouillard ambiant semble assourdir les sons, ce qui apaise votre crainte que le fracas du moteur ne perturbe les habitants des rives ; de toute façon, le guide sait parfaitement quand couper ledit moteur. Il l’a prouvé la veille au soir lors du « night safari » qui vous a peut-être permis de surprendre un couple de bien-nommés hornbills, ces calaos au bec massif et surmonté d’une protubérance évoquant effectivement une corne.

 

Et puis quand bien même les riverains du lac vous feraient faux bond, la promenade à elle seule justifierait votre lever matinal, le spectacle des gigantesques formations karstiques émergeant de la nappe de brume au détour d’un virage ayant de quoi réduire au silence les plus bavards de vos compagnons de voyage. Qui d’ailleurs, se mettant certainement au diapason de cette atmosphère quasi-fantomatique, ne pipent pas mot, attentifs qu’ils sont au surgissement soudain de la sombre silhouette d’un arbre mort surmonté d’un oiseau noir…

 

Une des forêts les plus anciennes du monde !

 

Mais peu à peu le soleil réchauffe l’atmosphère et dissipe l’illusion de sillonner un loch écossais. Une agitation dans le vert des arbres de cette forêt pluviale, l’une des plus anciennes du monde puisqu’elle aurait plus de 160 millions d’années – la stabilité du climat à cette latitude lui ayant assuré à travers les siècles les précipitations nécessaires à son maintien – attire soudain l’attention du guide, qui s’en approche doucement. Vous pourrez ainsi, si vous êtes chanceux, observer le manège d’un groupe de gibbons, petits et grands allant et venant sur les branches en vous dévisageant parfois avec une curiosité qui sera certainement l’exact reflet de la vôtre !

 

 

Ces sorties d’observation sur le Cheow Larn sont véritablement les highlights du package « 2 jours – 1 nuit sur le lac » ; l’excursion à pied dans la grotte Nam Talu en est un autre. La découverte de cette formation, elle aussi liée à la nature karstique du sol, est en effet riche en émotions fortes, liées à la fois à l’obscurité totale – on l’explore à la lueur de sa lampe frontale – , à l’immersion d’une bonne partie du parcours, qui s’effectue donc avec de l’eau à mi-corps dans un courant assez vif, et aux propriétés glissantes du sol, qui justifient totalement les exigences du guide en termes de chaussures (tongs proscrites).

 

Difficile également de se départir du souvenir du drame qui s’est déroulé là en octobre 2007, lorsque des pluies abondantes avaient entraîné l’inondation subite de la grotte et noyé huit des neuf visiteurs qui s’y trouvaient. Il semblerait que les autorités du parc n’aient pas, malgré cette tragédie, pris de mesures plus drastiques pour en éviter d’autres que l’apposition d’un panneau « ne pas entrer en saison des pluies » à l’entrée de la grotte.

 

Mais justement, l’aspect « sportif » du parcours oblige à se concentrer sur l’instant présent… et que de merveilles scintillantes recèle cette grotte ! Le minéral y a bien sur la part belle, mais les amateurs de rencontres animalières apprécieront également les colonies de chauve-souris… et quelques araignées sauteuses de belle taille. La randonnée en forêt qui précède et suit la visite de la grotte fournit d’ailleurs l’occasion de rencontres avec d’autres spécimens remarquables de la faune locale, tel ce lézard volant repéré par l’œil de lynx du guide et capturé avec la même habileté.

 

Limiter l’impact humain sur un milieu fragile

 

Après de telles émotions, c’est avec un certain plaisir qu’on retrouve la rangée de cabanes alignées le long du ponton branlant, la perspective d’un bain dans l’eau claire et chaude et celle d’un bon repas à la table commune. Alors certes il faut apprécier cette ambiance à mi-chemin entre le camping – cabanes minuscules et spartiates dont l’ameublement se résume à un matelas par terre, une moustiquaire et deux chaises en plastique sur la « terrasse » ; bloc sanitaire commun tout aussi minimaliste situé lui sur la terre ferme afin de ne pas contaminer les eaux du lac et relié aux cabanes par un éventail de planches jouissant d’une trop grande liberté les unes par rapport aux autres : mieux vaut prendre ses dispositions pour éviter d’avoir à s’y rendre de nuit… – et la colonie de vacances qu’évoquent le coté collectif de l’expérience et la totale absence d’intimité à laquelle condamne l’alignement des cabanes le long d’un ponton commun !

 

 

Mais la magie de ce lac sans cesse changeant, de ses pics roses atteignant parfois les 60 mètres de haut et de sa nature exubérante l’emporte sur toute autre considération. C’est bien lui le joyau de ce parc national né en 1980, une situation paradoxale si l’on songe que Cheow Larn n’a rien de naturel et a été créé deux ans plus tard par l’établissement du barrage Rajjaprabha sur la rivière Pasaeng pour garantir une source d’approvisionnement électrique constante au Sud de la Thaïlande.

 

Et encore plus paradoxale si l’on ajoute que la création de ce qui nous semble aujourd’hui être un petit paradis de la faune et de la flore, le seul de Thaïlande à abriter l’exceptionnelle rafflesia, cette fleur géante à la floraison très éphémère devenue l’emblème du parc, a occasionné malgré les précautions prises un désastre écologique, marqué par exemple par la disparition d’une cinquantaine d’espèces de poissons peu habitués aux profondeurs lacustres.

 

Ce milieu reste d’ailleurs fragile, d’autant plus qu’il est exposé à une pression touristique croissante qui risque bien, dans les années qui viennent, de déborder les autorités du parc… et leurs moyens matériels. Pour l’instant, elles résistent à la tentation d’aménager d’autres hébergements sur le lac, mais elles n’hésitent pas à les remplir au grand maximum de leurs capacités à la haute saison, quitte à amoindrir quelque peu la force de l’expérience vécue par chacun. On n’en est certes pas à un afflux de bateaux « Maya Beachesque », loin de là, mais les riverains courageux le confirment : le lac est surpeuplé pendant la période des vacances de Noël. Ultime paradoxe de la manne indispensable à l’entretien et à l’exploitation du parc, dont la source risque pourtant de se tarir si l’on cherche à trop la presser.

 

Sacha Duroy

 

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