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BIRMANIE: Amnesty tire le signal d’alarme pour crimes de guerre dans l’Etat d’Arakan

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 31/05/2019
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Selon l’organisation internationale, de nouvelles atteintes aux droits humains sont perpétrées depuis que le gouvernement Birman a donné l’ordre d’« écraser » un groupe armé. Les unités militaires qui s’étaient déjà rendues responsables d’atrocités commettent des crimes de guerre, tandis que le déploiement d’unités supplémentaires pointe une possible implication de hauts gradés. La communauté internationale manque à son devoir. La cour pénale internationale doit être saisie de toute urgence.

 

Dans le cadre d’une récente investigation menée dans l’État d’Arakan au Myanmar, Amnesty International a recueilli de nouveaux éléments qui prouvent que l’armée birmane commet des crimes de guerre et d’autres atteintes aux droits humains.

 

L’opération militaire est en cours, faisant craindre de nouvelles violations.

 

Intitulé «No one can protect us: War crimes and abuses in Myanmar’s Rakhine State», le nouveau rapport d’Amnesty International relate que l’armée Birmane, également appelée la Tatmadaw, tue et blesse des civils dans le cadre d’attaques menées sans discrimination depuis janvier 2019.

 

Les forces de la Tatmadaw se sont également livrées à des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi qu’à des disparitions forcées.

 

Janvier 2019

 

Ce rapport se penche sur la période des opérations militaires intensives qui ont suivi les attaques coordonnées menées le 4 janvier 2019 contre des postes de police par l’Armée d’Arakan (AA), un groupe armé ethnique rakhine.

 

Ces nouvelles opérations font suite à l’ordre donné par le gouvernement d’« écraser » l’Armée d’Arakan.

 

« Il y a deux ans à peine, le monde s’indignait des atrocités massives commises contre la population des Rohingyas. De nouveau, l’armée Birmane commet de terribles atteintes aux droits humains contre des groupes ethniques dans l’État d’Arakan, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur régional pour l’Asie de l’Est et du Sud-Est à Amnesty International. Ces opérations sont le fait d’une armée dépourvue de remords, non réformée et bénéficiant de l’impunité, qui terrorise les civils et se livre à des violations généralisées dans le cadre d’une stratégie délibérée. »

 

Amnesty International a réalisé 81 entretiens, dont 54 sur le terrain dans l’État d’Arakan fin mars 2019, et 27 interviews à distance de personnes vivant dans les zones touchées par le conflit.

 

Ces villageois sont d’origine rakhine, mro, rohingya et khami, et de confession bouddhiste, chrétienne ou musulmane.

 

En outre, elle a examiné des photos, des vidéos et des images satellite, et interrogé des responsables humanitaires, des défenseurs des droits humains et d’autres experts.

 

Si les communautés ethniques rakhines nourrissent depuis longtemps des griefs politiques contre le gouvernement central du Myanmar, l’Armée d’Arakan est dirigée par une génération plus jeune de nationalistes rakhines.

 

On estime qu’elle compte aujourd’hui jusqu’à 7 000 combattants.

 

Fondée en 2009, elle se bat aux côtés d’autres groupes armés ethniques dans le nord de la Birmanie et, depuis quelques années, affronte de manière sporadique l’armée dans l’État d’Arakan et l’État chin voisin.

 

Les combats se sont intensifiés fin 2018.

 

De nouvelles unités déployées, les mêmes atrocités

 

Le rapport d’Amnesty International révèle des éléments qui attestent d’atteintes aux droits humains commises par des militaires déjà impliqués dans les atrocités perpétrées par le passé, notamment certaines divisions et certains bataillons placés sous la houlette du Commandement de l’ouest.

 

Il confirme que la majeure partie de ces violences sont imputables aux unités nouvellement déployées des 22e et 55e divisions d’infanterie légère.

 

En se fondant sur des entretiens et divers documents, dont des images satellite, Amnesty International a recensé sept attaques illégales qui ont fait 14 morts et au moins 29 blessés parmi les civils.

 

Il s’agit pour la plupart d’attaques menées sans discrimination et certaines constituent sans doute des attaques directes contre des civils.

 

Lors de l’une d’elles fin janvier, un jeune garçon rakhine âgé de sept ans a trouvé la mort dans l’explosion d’un obus très certainement tiré par l’armée birmane dans le village de Tha Mee Hla, dans la municipalité de Rathedaung, au cours des combats opposant l’armée à l’Armée d’Arakan (AA).

 

Alors que le garçon était grièvement blessé, les soldats de l’armée birmane ont attendu plusieurs heures avant d’autoriser sa famille à le conduire à l’hôpital. Il est mort le lendemain.

 

Images satellite

 

Lors d’un autre épisode, mi-mars, un obus de mortier de l’armée birmane a explosé dans le village de Ywar Haung Taw, dans la municipalité de Mrauk-U, blessant au moins quatre personnes et détruisant la maison de Hla Shwe Maung, un Rakhine âgé de 37 ans.

 

Voici son témoignage : « J’ai entendu une explosion. Le bruit était très fort et une grosse boule de feu est tombée tout autour de nous… J’ai pris ma fille dans mes bras… [Lorsque] je me suis retourné pour regarder, la moitié du toit de notre maison avait disparu. »

 

L’analyse d’images satellite confirme la destruction d’un bâtiment dans le village de Ywar Haung Taw, ainsi que la présence de nouveaux armements d’artillerie sur la base de la police toute proche.

 

Si les communautés ethniques rakhines subissent de plein fouet les violations commises par l’armée Birmane dans le cadre de cette campagne militaire, d’autres communautés, notamment les Rohingyas, ne sont pas épargnés.

 

Le 3 avril 2019, un hélicoptère de l’armée a ouvert le feu sur des paysans rohingyas en train de couper des bambous, tuant au moins six hommes et garçons et en blessant au moins 13 autres. « L’hélicoptère a surgi de derrière la montagne, a raconté à Amnesty International un survivant. En quelques minutes, il a tiré plusieurs roquettes. Je courais pour échapper à la mort, pensant à ma famille et à la manière dont je pourrais survivre. »

 

Les attaques qui sont dirigées directement contre des civils, et les attaques menées sans discrimination qui blessent ou tuent des civils, constituent des crimes de guerre.

 

D’après les informations recueillies par Amnesty International, l’armée a pris position sur le site des anciens temples de Mrauk-U et tiré sans ménagement dans le secteur.

 

Les images satellite confirment la présence d’artillerie près des temples et des photos montrent des dégâts sur le site. Amnesty International n’a pas pu déterminer qui était responsable de ces attaques, mais l’armée birmane, en se déployant près de ces monuments, a exposé des biens historiques et culturels à de possibles dégâts et destructions, en violation du droit international humanitaire.

 

Par ailleurs, sept cas d’arrestations arbitraires ont été recensés dans l’État d’Arakan depuis janvier 2019.

 

Il s’agit exclusivement d’hommes, principalement des Rakhines en âge de combattre ; la plupart ont subi des actes de torture et des mauvais traitements dans le but de leur extorquer des informations sur l’Armée d’Arakan (AA).

 

Un Rakhine âgé de 33 ans a relaté : « [Le soldat] m’a demandé ” Où est-ce que l’AA cache ses armes ? ” J’ai répondu : ” Je n’en sais rien, je ne fais pas partie de l’AA. ” Je me souviens d’un coup de poing et d’un coup de pied, puis ils m’ont donné un coup de fusil sur la tête…

 

J’ai essayé de me protéger avec les mains, mais ils se sont mis à me rouer de coups de pied et de poing. J’avais du sang sur les mains, le visage et le crâne. »

 

Les exactions de l’Armée d’Arakan

 

Si l’armée birmane est responsable de l’immense majorité des violations des droits humains recensées par Amnesty International, le rapport montre que l’Armée d’Arakan (AA) commet également des exactions contre les civils, notamment des enlèvements.

 

Le 3 mai, des combattants de l’AA ont enlevé quatre Rohingyas dans le village de Sin Khone Taing, dans la municipalité de Rathedaung.

 

D’après une source ayant une connaissance directe des événements, les quatre hommes ont été emmenés dans un coin reculé de la forêt. Deux d’entre eux ont pu s’échapper par la suite, mais on ignore le sort qui a été réservé aux autres.

 

Les combattants de l’Armée d’Arakan mettent en danger les civils, menant parfois des opérations selon une stratégie qui fait courir de gros risques aux villageois.

 

En outre, ce groupe armé menace et intimide des chefs de village et des entrepreneurs locaux, les avertissant par courrier de ne pas s’ingérer dans ses activités. Ces lettres s’accompagnent toujours d’une balle et portent le sceau officiel de l’AA.

 

La liberté d’expression menacée

 

Tandis que les informations faisant état de violations des droits humains imputables à l’armée se multiplient, les forces de sécurité recourent aux bonnes vieilles tactiques pour bâillonner toute critique.

 

L’armée a porté plainte ces derniers mois contre les rédacteurs en chef de trois médias locaux en langue birmane.

 

« Au début du mois de mai, les journalistes de Reuters Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont enfin retrouvé la liberté, après plus de 500 jours de détention arbitraire. Pourtant, l’indignation suscitée par leur cas dans le monde entier n’empêche pas les autorités de recourir aux mêmes tactiques de la peur pour que d’autres servent d’exemple », a déclaré Nicholas Bequelin.

 

« Le gouvernement dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) a le pouvoir de changer cela. Fort de la majorité parlementaire, il doit s’en servir pour abroger ou réformer les lois répressives si souvent utilisées contre les journalistes. »

 

Il est temps de renforcer la pression internationale. En l’absence d’obligation de rendre des comptes au niveau national, Amnesty International demande au Conseil de sécurité des Nations unies de saisir de toute urgence le procureur de la Cour pénale internationale de la situation en Birmanie et d’imposer un embargo exhaustif sur les armes.

 

Les partenaires internationaux de la Birmanie doivent également repenser leurs relations avec les dirigeants de l’armée et infliger des sanctions ciblées à l’encontre de haut gradés, par l’intermédiaire d’organismes multilatéraux comme l’Union européenne et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE).

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