Votée mercredi par une écrasante majorité de députés et sénateurs, la reconduction du général Prayuth Chan-Ocha à la tête d’un gouvernement de coalition ne doit pas faire illusion. L’avenir est aujourd’hui en partie incarné, dans le royaume, par le succès électoral du « parti du futur» de Thanathorn Juangroongruangkit. Les militaires, en conservant la haute-main sur le pouvoir à coups de manœuvres juridiques et politiques plus que contestables, se condamnent à jouer la montre. Le dos au mur.
Une victoire politique peut cacher un désarroi et une réelle incapacité à imaginer l’avenir.
Tel est le cas de l’incontestable succès enregistré mercredi 5 juin devant les deux chambres du parlement thaïlandais, par le premier ministre sortant, le Général Prayuth Chan-Ocha.
Reconduit dans ses fonctions par 500 voix pour et 244 contre, ce dernier a remporté son pari: sa légitimité politique, cette fois, ne provient plus des armes comme c’était le cas après le coup d’État de mai 2014, mais des élections législatives du 24 mars dernier.
Même si tout, du mode de scrutin aux manœuvres judiciaires déployées ensuite pour marginaliser les partis d’opposition, a été fait pour empêcher qu’une alternative politique ne voit le jour à Bangkok.
La réalité est que le général Prayuth se retrouve paradoxalement le dos au mur.
Sans le ralliement in extremis du parti démocrate, dont l’ancien leader Abhisit Vejajiva a préféré démissionner, le parti Palang Pracharat monté de toutes pièces par les militaires n’aurait pas pu parvenir à ses fins et prendre les rênes d’une coalition.
Tout s’est donc joué sur le fil, alors que les règles avaient été biaisées et concoctées pour favoriser la main mise de l’armée sur les affaires de l’État.
Difficile de croire, dès lors, que l’attribution des principaux ministères, puis le début de cette législature sera de tout repos, tant l’opposition emmenée par le parti Pheu Thai (proche de Thaksin Shinawatra) et le Parti du futur va chercher à faire entendre sa voix.
Or l’expérience de ces quatre dernières années a montré que le très martial Prayuth pouvait, face à ceux qui le contestent, rapidement perdre patience…
L’autre leçon de cette reconduction du général Prayuth à la tête du Royaume est le fossé politique qui, désormais, divise la jeunesse du reste de l’électorat.
Les chiffres sont limpides: le parti du futur de Thanathorn Juangroongruangkit a le soutien des jeunes générations qui ne se reconnaissent plus dans les élites politico-militaires qui, depuis des décennies, se partagent le pouvoir à Bangkok.
Qu’adviendra-t-il donc si la justice thaïlandaise, comme elle cherche à le faire à travers les poursuites intentées contre lui, décide de le mettre hors-jeu ?
Peut-on croire que la force politique médiane incarnée par le parti Bhumjaithai du parrain de l’Isan Newin Chidchob (dont l’homme fort au parlement est Anutin Charnvirakul) soit une alternative crédible en cas de crise ?
La situation actuelle démontre que l’armée tient toujours le pays en main, ce qui n’est vraiment pas une surprise.
Mais elle illustre aussi le risque d’enlisement pour les militaires obligés, aussi, de tenir compte des exigences du Roi Rama X et de son entourage.
Le général Prayuth Chan-Ocha aime la Thaïlande traditionnelle, les danses villageoises, et les rendez-vous hebdomadaires paternalistes à la télévision.
Maintenant que les urnes ont parlé, il n’est pas sûr que cette «Thaïlande de papa» passe la rampe d’une vie politique plus démocratique, que la jeunesse accro aux réseaux sociaux va s’empresser de pimenter.