Les prisons thaïlandaises comme vous ne les avez jamais vues ! Pascal P., incarcéré à la prison de haute sécurité de Klong Prem, à Bangkok, nous décrit chaque mois son quotidien : un regard sans concession sur la vie carcérale au pays du sourire.
Mon ami P, ressortissant népalais incarcéré depuis plus de dix ans est « Blue Shirt », c’est-à-dire qu’il fait partie des détenus de confiance à qui les gardiens délèguent une partie de leurs tâches.
Ils jouissent en échange de quelques privilèges.
Entre autres, ils réintègrent leur cage plus tard que les autres détenus.
Le jour du nouvel an thaï, quelques-uns de ses « collègues » ont décidé de fêter l’événement dignement.
Ils se sont saisis de mon copain et l’on jeté dans une mare d’eau croupie et nauséabonde, qui fait office de bac de pisciculture.
Farce de joyeux potaches, et tout aurait dû se terminer dans un grand éclat de rire, si P n’avait eu la malencontreuse idée de mal retomber et de se blesser au bras droit.
Tordu de douleur, il n’a dû qu’à l’intervention énergique d’un surveillant qu’il connaît depuis des années se pouvoir se rendre le jour-même à l’hôpital pénitentiaire voisin.
A son arrivée, les lieux étaient pratiquement déserts, pas de médecin, pas de radiologue (congé de nouvel an oblige), alors on lui a bandé le bras, remis quelques analgésiques et renvoyé dans son bâtiment en lui fixant un rendez-vous trois jours plus tard.
Il a serré les dents, souffert, peu dormi et le lundi matin tant attendu s’est présenté à la consultation.
Le radiologue a diagnostiqué une fracture, on lui a refait le pansement, redonné une poignée de cachets en lui indiquant que le docteur spécialiste ne consultait que le jeudi, il lui fallait donc patienter trois jours supplémentaires.
C’est avec « le moral dans les chaussettes », et quelques nuits blanches passées à souffrir qu’il a enfin rencontré « l’homme de l’art ».
Celui-ci s’est contenté d’examiner la radiographie, jugeant inutile d’examiner le membre blessé, pour lui indiquer que les os se ressouderaient après six semaines au minimum mais que la douleur devrait diminuer dans les quinze jours.
Et le spécialiste l’a renvoyé muni de cachets de calcium, et a malheureusement omis de prescrire de nouveaux analgésiques.
P tente de se consoler en passant ses nuits blanches à tenter de déchiffrer les messages dont « ses amis blue shirts » ont décoré son nouveau plâtre. Je ne suis pas sûr qu’il emportera ledit plâtre en souvenir lors de sa libération.
Pascal P.