Notre chroniqueur géopolitique Yves Carmona gare l’œil sur la Birmanie depuis le coup d’État militaire du 1er février. Ou en sommes nous aujourd’hui ? Voici quelques éléments de réflexion, dans un contexte de répression massive.
Une analyse d’Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Népal et au Laos
On l’a déjà écrit : la répression par les « forces de l’ordre » birmanes est une insulte à notre vision de la liberté que jamais nous n’accepterons même si on voit bien combien ce pouvoir, en place depuis des décennies, fait tout pour se faire oublier.
Eh bien, depuis quelques jours, il bouge.
1/ Il a tiré partie du Nouvel An (en sanskrit Songkran mais aussi pratiqué par une grande partie des bouddhistes, Thingyan en birman) pour libérer 23 000 personnes. Ironie, cette fête, une des plus importantes de la région sur le plan religieux au moment le plus torride de l’année, où la coutume est de s’asperger d’eau, est synonyme de mouvement.
Le pouvoir, pour la première fois habile, en a tiré partie pour procéder à cette libération massive.
Les journalistes n’ayant pas le droit de faire leur travail – la Covid a bon dos, le régime évidemment ne veut pas en voir sur son sol – on ne sait pas si ces prisonniers appartiennent ou pas à la NLD, principal parti d’opposition. En savoir davantage, ce serait avoir des amis sur place. Gavroche en connaît quelques uns mais ne veut surtout pas les compromettre, le pouvoir a déjà montré sa férocité (plus de 700 morts au 16 avril).
2/, Autre signe, l’attitude japonaise. Les entreprises de l’archipel ont depuis longtemps des intérêts importants en Birmanie – comme la France avec Total et d’autres compagnies étrangères – et c’est peu dire que la situation actuelle embarrasse sa diplomatie. Le choix a été de mettre à l’abri le plus de Japonais possible – combien sont résidents ? On ne sait pas. L’ambassade n’a pas fermé mais les effectifs sont réduits au minimum. Elle ne s’est pas associée aux protestations des ambassades locales, mais le Gaimusho a pris soin de se joindre aux autres membres du G7, seule instance internationale dont le Japon fasse partie.
Le sommet Biden-Suga qui s’est déroulé les 17-18 avril a duré au moins deux heures et demie mais le point de presse officiel ne fait pas mention de la situation birmane. Le Gaimusho, le ministère nippon des Affaires étrangères, est très fier que le premier ministre nippon ait été le premier à rencontrer en chair et en os le nouveau Président Biden, mais la presse japonaise est bien plus intéressée par les Jeux Olympiques d’été qu’une majorité du peuple continue de dénoncer.
Commentaire : Gavroche reste prudent sur ce qui est en train de se passer en Birmanie. Les puissances voisines, à commencer par la Chine, regardent avec une sévérité grandissante une situation qui, certes, leur est bénéfique mais on sait que ses dirigeants n’aiment pas qu’on fasse des vagues. Car la Birmanie peut aussi pencher du côté indien; n’oublions pas qu’elle a toujours su tirer partie de la rivalité entre les deux géants pour rester indépendante.
A suivre donc…