Notre excellent confrère Asialyst, site de référence pour les analyses sur l’Asie et la géopolitique en Extrême Orient, consacre un article très documenté aux consignes données par les autorités de Pékin à la presse étrangère à propos de la crise en cours à Hong Kong après les nouvelles manifestations de ce week-end. En cause ? Une lettre signée de Hua Chunying, directrice de l’information du ministère chinois des Affaires étrangères. Chaque mot pèse son poids de recommandations politiques…et policières.
Cet article a été publié par Asialyst sous la plume de Joris Zylberman. retrouvez ici le site d’Asialyst.
Affolé par les manifestations qui persistent à Hongkong, Pékin essaie désespérément de contrôler les médias internationaux basés en Chine. Le ministère chinois des Affaires a convoqué cette semaine les correspondants étrangers pour leur remettre une lettre et des documents en forme d’injonction : il leur faut désormais rapporter la « réalité » du mouvement contre le projet de loi permettant l’extradition vers la Chine. Une « réalité » plus sombre qu’elle n’est racontée dans les médias occidentaux, selon Pékin : les manifestants, loin d’être pacifiques, ont « sérieusement miné l’État de droit et l’ordre social ». Plus grave, ils sont manipulés par les « mains noires »de l’Occident, en particulier les États-Unis. Un rhétorique bien connue et pleine d’intimidation, qui cherche à mettre au pas, plus qu’à convaincre.
Alerte sur le «China Bashing»
Le constat est toujours édifiant. Le Parti communiste chinois ne cesse d’utiliser un raisonnement tout à fait étranger à la façon de penser des journalistes occidentaux. Ces derniers ne sauraient être « convaincus » lorsqu’on leur intime de « coopérer » avec un régime qui réprouve la notion même de journalisme critique. Notion qui, malgré des dérives indéniables, ne signifie pas en soi un China bashing fait d’articles systématiquement à charge contre Pékin. Le journalisme critique, c’est un journalisme libre. Albert Camus en a donné une quadruple définition dans un manifeste qui devait être publié dans son journal, Le Soir Républicain, le 25 novembre 1939, mais qui fut censuré par le gouvernement français. L’auteur de L’étranger insiste sur « la lucidité, le refus, l’ironie et l’obstination », quatre « moyens », selon lui, de préserver la liberté de la presse.
Médias officiels
Appliquons ces principes à notre sujet. A sa lettre aux correspondants, le ministère chinois des Affaires étrangères joint une série d’articles tirés de médias officiels comme le Global Times ou le China Daily, qui dépendent tous du gouvernement chinois. Il demande donc aux journalistes d’abandonner une rigueur consubstantielle à leur métier, le recoupement de plusieurs sources différentes. Cela revient à abdiquer leur lucidité.
La lettre envoyée le 20 août 2019 par Hua Chunying, directrice du département de l’information du ministère chinois des Affaires étrangères aux correspondants de la presse étrangère basés en Chine. (Crédit : DR)
Lorsque Hua Chunying, directrice du département de l’information avance dans sa lettre la théorie du complot américain derrière les manifestations à Hong Kong, quelles sont les preuves avancées ? Selon l’article du China Daily inclus dans le rapport joint à cette lettre, il existe une série de faits « indubitables »