Le nom de l’île État revient de plus en plus souvent dans les discours officiels thaïlandais. Singapour, ville propre, ville prospère, ville disciplinée est régulièrement citée en exemple. Les centres commerciaux de la capitale thaïlandaise rêvent de dépouiller de leurs clients ceux d’Orchard Road ou de Marina Bay. Les hôpitaux de Bangkok rêvent de récupérer les patients lassés des prix Singapouriens. L’aéroport de Suvanarbhumi se voit déjà ravir sa première place en Asie du sud est à Changi Airport. Sauf que dans les faits, il ne suffit pas de citer Singapour pour l’imiter…
Singapour est une réussite. Qui peut le nier ? En un demi siècle, l’ile Etat sortie de la colonisation britannique et extirpée de l’orbite de la Fédération de Malaisie est devenue une puissance mondialisée. Pas une puissance militaire bien sur. Mais une puissance financière, technologique, digitale. D’où le rève que quelques dirigeants thais, les yeux d’abord braqués sur les centres commerciaux et le déluge de devises: puisque Singapour l’a fait, pourquoi pas nous ?
Nous ne nous prononcerons pas sur la nature du régime politique singapourien, résolument autoritaire. Nous éviterons aussi les comparaisons fallacieuses, tant la dimension des deux pays est différente. Contentons nous de rappeler quelques évidences à nos amis thaïlandais: Singapour s’est construit sur le respect de l’état de droit dans le monde des affaires, sur une ouverture forcenée à l’international, sur l’intégration de centaines de milliers d’étrangers à de nombreux postes de responsabilités, sur une priorité donnée à la formation, à l’éducation supérieure et sur l’accession des classes moyennes à la propriété., sur une lutte impitoyable contre la corruption…
Singapour n’est pas une formule magique que l’on peut dupliquer en important des «Department stores» et en fermant des restaurants de rue pour les remplacer par des enseignes à air conditionné. Les Singapouriens ont travaillé dur. Ils ont misé sur l’avenir et sur leur population, dans sa diversité sociale et ethnique. Singapour restera un mirage pour tous ceux qui n’ont pas compris l’équation politique compliquée qu’est cette île État. Le «miracle» ne s’importe pas à coups de grandes marques, de restaurants de luxe, et de «malls» frigidaires.