Retour sur nos pas avec ce reportage touristique tiré de nos archives. Les lecteurs de Gavroche le savent bien. Pendant vingt-cinq ans, notre mensuel a exploré les confins de l’ex royaume de Siam. Pas une parcelle du pays n’a échappé aux escapades de notre petit héros, toujours féru de découvertes et de nouvelles aventures. Ces voyages de Gavroche sont l’occasion de redécouvrir des destinations connues. Aujourd’hui : l’île de Koh Yao Yai, proche de Phuket.
Pourtant plus accessible depuis Phuket que sa petite sœur Koh Yao Noi, la grande Yao est la moins développée et la moins fréquentée des deux beautés de la baie de Phang Nga. L’offre d’hébergement s’y limite d’ailleurs à une demi-douzaine de resorts, tous de catégorie moyenne à supérieure, qui se veulent des enclaves de luxe dans cette île de pêcheurs et de cultivateurs d’hévéa au mode de vie resté très traditionnel. Quelques raisons non seulement d’y aller, mais aussi de ne pas se contenter d’y lézarder au bord de la piscine d’un paradis artificiel entretenant l’illusion du « tout sur place ».
Vue sensationnelle
Il y a toutes les chances pour que vous soyez très satisfait de votre hébergement. Et pour cause : les rares «resorts» de l’île sont situés à des emplacements très stratégiques, voire franchement spectaculaires. Et, cerise sur le gâteau, les plus hauts de gamme proposent une cuisine qui peut valoir le détour, sans forcément être beaucoup plus chère que celle des restaurants « basiques » de l’île, où de toutes façons aucun plat n’est à moins de 150/180 bahts.
Visuellement, le plus étonnant de ces hôtels de rêve est sans conteste le Koh Yao Yai Village, précisément celui qui prétend, à coup de bibliothèque et de salle de sport sur un site certes fort vaste – le versant boisé d’une colline dévalant vers la mer –, retenir ses hôtes sur place. Il faut dire qu’il a pour cela quelques arguments, dont la vue sensationnelle des différentes strates de bleus – celui de la piscine à débordement se superposant à ceux de la mer, ponctuée au loin par les roches roses qui en émergent – n’est pas le moindre.
Et c’est une vue que même les non-résidents peuvent savourer, en même temps qu’une cuisine-fusion plutôt réussie de la terrasse du très agréable bar-restaurant, de même qu’ils peuvent apprécier les détails charmants de l’aménagement des chemins menant à la plage… Plage qui, si belle qu’elle soit, s’avère en fait un peu décevante, puisque impropre à la baignade à marée basse.
Coucher de soleil
C’est d’ailleurs le problème de toutes les plages de l’île, même s’il est moins prononcé au niveau du Thiewson Beach Bungalows, où les baigneurs motivés trouveront toujours à s’immerger suffisamment – et où la vue est peut-être encore plus riche en roches karstiques scandant l’horizon de leurs silhouettes plus ou moins fantomatiques.
Mais c’est la plage de Lo Paret qui s’avère la plus agréable pour la baignade, ombragée qu’elle est par les nombreux palétuviers qui la bordent. Sa baie étant située sur la côte Ouest, elle devient même incontournable en fin de journée, lorsqu’il s’agit de contempler le coucher de soleil : le voir disparaître derrière la jetée en sirotant une boisson allongé sur les sièges design disposés dans la pelouse verdoyante du Yao Yai Resort est un plaisir qui se refuse d’autant moins qu’il peut préluder à un autre : la dégustation d’un délicieux plat thaï ou méditerranéen à la terrasse de son restaurant à la curieuse architecture de bateau de béton.
Pour ce qui est de l’évocation méditerranéenne, l’Esmeralda Resort n’est pas en reste, non pas du fait de sa cuisine – on ne peut plus thaïe – mais de celui de sa vue : plongeant sur l’immensité bleue depuis une éblouissante terrasse carrelée scandée de piliers blancs, elle n’est pas sans susciter quelques réminiscences des Cyclades.
Que voir ?
Comme toujours, la plus agréable façon de découvrir l’île est de la sillonner en mobylette, sans hésiter à prendre les chemins de traverse non goudronnés qui semblent s’égarer dans les plantations d’hévéas et mènent parfois à d’improbables hameaux perdus au milieu des arbres.
Les occasions de s’extasier ne manquent pas le long de ces chemins d’ocre et de verdure : ici le traditionnel attelage buffle-héron complète un apaisant paysage de rizière ; là quelques chèvres paissent placidement sans s’émouvoir du passage des humains ; au loin, un minaret étincelle au soleil. Les maisons les plus récentes elles aussi rutilent, briquées et peintes qu’elles sont de couleurs vives, tandis que les plus traditionnelles, en bois, étonnent par leur taille cossue, le soin apporté aux détails décoratifs – on frôle même parfois le kitch tyrolien – et leur excellent état de conservation.
Incroyable bande de sable
Mais ce n’est là que le cadre général, l’agréable toile de fond de laquelle se détachent quelques « must see » spectaculaires. L’incroyable bande de sable de La Ma, immédiatement à l’est du Ban Chonglad Pier qui connecte Koh Yao Yai à sa petite sœur Koh Yao Noi, n’est pas le moindre de ces attraits : cette pointe aisément repérable sur les cartes de l’île consiste en un cordon littoral planté de palmiers et battu par les vents.
Rien de bien excitant sur le papier, mais dans la réalité, l’éclatante blancheur du sable, l’omniprésence de la mer de part et d’autre, qui finit par fusionner pour « avaler » le bout de la bande, et les formes étranges que prennent les cocotiers à force d’être battus par les vents concourent à conférer une certaine magie à l’endroit. Magie encore plus palpable en fin d’après-midi, lorsque la lumière rasante du couchant fait scintiller les fines nappes d’eau laissées par la mer retirée, et que les femmes du village en sarongs colorés et armées de paniers affluent pour ramasser coquillages et crustacés. Des fruits de mer que l’on retrouve ensuite délicieusement accommodés au petit restaurant sur pilotis qui jouxte la jetée de Ban Chonglad.
Quelles activités ?
En plus du sempiternel kayaking en mer, parfait en théorie pour s’approcher des rochers karstiques sans en déranger la faune, mais toujours rendu ardu par l’ensoleillement, l’île propose une alternative plus originale qui consiste à explorer en kayak cet écosystème typique qu’est la mangrove.
C’est même là, plus exactement dans les canaux de Pak Klong, au nord de l’île, qu’il faut profiter de cette opportunité pas si fréquente si l’on veut bénéficier des tarifs les plus avantageux (pour information, le très chic Koh Yao Yai Village propose la sortie de deux heures accompagnée par un guide anglophone à 1100 bahts par adulte et 700 par enfant) : en effet, c’est là que les opérateurs de Koh Yao Noi, voire de Phuket, amènent leurs clients, avec des frais de transfert qui évidemment alourdissent le budget de l’escapade.
Il en va de même pour la plongée sous-marine ou avec masque et tuba : les environs immédiats des deux Koh Yao étant peu propices à ces activités du fait de fonds sableux volontiers remués par les marées, il faut pour s’y livrer s’embarquer pour les îles voisines de Koh Kai, autrement dit les îles du Poulet. Or celles-ci étant situées au sud-ouest de Koh Yao Yai (à mi-chemin du trajet pour Phuket), il est bien plus intéressant, en termes de temps comme d’argent, de s’y rendre depuis l’île, même depuis sa côte Est. Le Thiewson Beach Bungalows propose par exemple l’expédition à 1500 bahts par adulte, ce qui reste plus avantageux que les tarifs proposés depuis Koh Yao Noi. Bon à savoir lorsqu’on planifie un séjour combinant la visite des deux îles…
Pour les activités moins en prise avec la nature, la grande Yao perd son avantage sur la petite : point ici de centre de yoga, ni de boutiques proposant les T-shirts imprimés et les sacs « à la thaïlandaise » tels qu’on les trouve par étals entiers à Chatuchak, ni de pizzeria, ni même à vrai dire beaucoup de restaurants hors de ceux des resorts : à l’instar de Koh Sukorn plus au sud, Koh Yao Yai n’a pas encore tout misé sur l’exploitation touristique de ses superbes paysages, ce qui à dix minutes de bateau de la petite Yao nettement plus mercantile – dans son village central du moins – ne laisse pas de surprendre. Raison de plus pour profiter de cette beauté encore presque sauvage tant qu’il en est encore temps.
Sacha Duroy