Même si on est habitué à voyager en Asie et à assister souvent à des cérémonies religieuses, le festival végétarien de Phuket (également fêté dans de nombreuses villes en Thaïlande) de tradition taoïste ne laisse pas indifférent et suscite une certaine fascination voire un certain émoi. Il en a de nouveau été ainsi pour l’édition 2019, du 28 septembre au 7 octobre. Notre collaborateur Luigi Zuccante en profite pour nous brosser un beau portrait d’histoire.
A Phuket, c’est toute la ville qui s’imprègne de cette fièvre mystique. Les fidèles, vêtus de blanc (en signe de purification) vont suivre les différents rituels et accompagner tous ces « médiums » (les masongs ou Ma Song) qui défileront à travers la ville durant cette période sainte « Jia Chai » (l’expression signifie festival végétarien en dialecte chinois hokkien).
Chants mystiques
Dès l’aube, les chants mystiques retentissent dans la ville et nous savons déjà que les fidèles se préparent aux différentes cérémonies de la journée (dans les temples, les défilés avec arrêts devant les stands garnis de fruits en offrande aux dieux).
Cette fête se célèbre dans l’année dès le neuvième jour du neuvième mois du calendrier chinois et va durer neuf jours (généralement en octobre ; cette année, le festival a commencé le 30 septembre pour se terminer le 8 octobre tard dans la nuit).
Le plus marquant pour les spectateurs est sûrement les défilés nocturnes avec les pétards lancés aux pieds des médiums qui marchent pieds nus et subissent stoïquement cette pluie de feu et d’étincelles et les piercings. Les saints (ou médiums) se transpercent le corps, généralement les joues) avec divers objets tranchants ou pointus. Ils démontrent ainsi le pouvoir surnaturel qu’ont les dieux. Les médiums vont exorciser les malheurs de la population pour les remettre aux dieux et en débarrasser les fidèles.
Communauté chinoise
L’origine de cette tradition date de 1825 pour être précis (selon plusieurs sources concordantes). À cette époque, une importante communauté chinoise exploitait les nombreuses mines d’étain sur l’île de Phuket. Afin d’apporter quelques distractions à ces exilés, une troupe théâtrale avait été embauchée à l’année.
Cette communauté chinoise fêtait régulièrement le Jiai Chai afin d’apporter une protection aux membres de la famille et des villages. En 1825, une terrible épidémie décima une partie de la population et les artistes furent également touchés par la maladie. Cette année-là, ils n’avaient pas célébré le Jiai Chai. En signe de repentir, pendant neuf jours, ils suivirent des rituels de purification et de régime végétarien très strict tout en adressant des prières aux neufs dieux empereurs. L’épidémie cessa et ils guérirent.
Prières et guérisons
Depuis, ces cérémonies et prières adressés aux dieux ainsi que le respect de certaines règles (port de vêtements blancs, régime strictement végétarien, comportement respectueux envers les autres mais aussi envers les animaux, abstinence sexuelle, etc.) durant cette période sont pratiqués chaque année et suivis par de nombreux fidèles. À Phuket, puisque c’est là que ces fêtes ont pris une importance toute particulière en raison de son histoire, ces cérémonies attirent de nombreux fidèles non seulement de l’île mais venant aussi du sud-est asiatique (Taiwan, Malaisie, Singapour).
Il est difficile de prendre conscience de la ferveur des fidèles si on s’arrête aux quelques aspects « spectaculaires » de ces défilés qui deviennent vit des clichés réducteurs. Mais en suivant et en assistant aux différents rites, nous sommes saisis par l’intensité de certains moments, la profonde abnégation de ces saints et la vénération des fidèles.
Luigi Zuccante