Tout le monde connaît de réputation le massage Thaï, consacré « Patrimoine culturel immatériel » de l’UNESCO le 11 décembre 2019. De la théorie à la pratique, vous en saurez plus en lisant ce poème qui fait la part belle à la technique et à l’historique de cette discipline, « remède parfait pour un bien-être total »… Bonne lecture donc.
La masseuse était belle. Avec ses doigts musclés,
Elle parcourait mon corps, en alternant pressions,
Pétrissages, étirements, foulements, frictions,
Dans le silence de son antre dépouillé.
À plat ventre sur un caoutchouteux tapis,
Je sentais, l’esprit vide et le corps malaxé,
Sa mystique présence, toute consacrée
À parfaire son œuvre de masseuse accomplie.
Assise à mes côtés, les jambes repliées.
Cette campagnarde, le teint halé et gironde,
Dégageait, avec ses yeux et sa face ronde,
Une aura de bienveillance et de dignité.
Comme toutes les masseuses professionnelles,
Elle avait fait le « waï » au père fondateur,
Jivaka Komārabhacca, inspirateur
De la médecine thaïe traditionnelle.
Partant méthodiquement des pieds vers la tête,
Suivant les dix lignes, « Sen », des énergies vitales,
Kung avançait prudemment dans mon dédale
De muscles et de chairs défraîchies et fluettes.
Elle était diplômée de l’école Chetawan,
Du Wat Pho de Bangkok, et bien sûr, connaissait
Les différents massages, du corps et des pieds,
À l’huile, et même des femmes et des enfants.
Comme dans le « Chaleoisak », massage populaire
Pratiqué en milieu rural pour soulager
Le dos des parents, Kung intégrait, coudes, pieds,
Genoux ; c’était sportif, planant et salutaire.
Né aux Indes il y a vingt-cinq siècles, enrichi
Par la médecine chinoise, le massage
Thaï, « Nuad Thaï », avec son savant dosage
De pratiques spirituelles, était sorti
Des temples bouddhistes et de la Cour royale,
Pour devenir une discipline enseignée
Dans des temples et écoles spécialisés :
Remède parfait pour un bien-être total.
Kung parlait peu, son anglais étant limité.
Elle s’appliquait, silencieuse, dans ce corps à corps.
Et malgré précautions et laborieux efforts,
Un désir ardent et sournois s’insinuait
En moi. Je tentais de m’évader loin d’ici,
De forcer mon esprit vers d’autres aventures.
Rien n’y faisait, mon combat contre la nature
Était voué à l’échec. Je laissais la vie
Poursuivre son œuvre éruptive et familière.
Le cœur et l’esprit enfin calmes et apaisés
Après une heure d’abandon émerveillée,
Je quittais Kung, ses mains agiles et sa tanière.
Michel Hermann
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.