Notre collaborateur et chroniqueur Yves Carmona observe le monde avec la passion du diplomate qu’il fut. Ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal, il suit les questions géopolitiques avec attention et nous livre ici une analyse de l’impact, en Asie, du conflit entre israéliens et Palestiniens.
Une chronique géopolitique d’Yves Carmona
Pourquoi Israéliens et Palestiniens s’entretuent-ils ? La question est pour le moins d’actualité, vue la reprise actuelle de la violence au Proche Orient.
C’est une très longue histoire et des milliers de livres ont été écrits sur les rapports entre Hébreux et Musulmans. Écrire sur le sujet impose ainsi une très grande prudence sur les mots employés car il faut que ceux ci soient équilibrés pour ne heurter aucune sensibilité, d’autant que les communautés juive et musulmane sont très présentes dans de nombreux pays.
Les raisons du conflit actuel
On se limitera donc aux raisons du conflit actuel, ses racines remontent au début du XXème siècle et elles sont complexes. Parmi les habitants de la Palestine vivaient, souvent en bonne intelligence, des Juifs – on disait aussi Israélites – et des Palestiniens.
Israël est née du sionisme et celui-ci continue à animer la majorité de ses habitants.
Une expression populaire encore employée disait « deux Juifs, trois opinions », façon de dire qu’ils n’ont pas tous la même conception du bien et du mal et de ce qui est favorable ou défavorable à leurs intérêts..
Beaucoup de Juifs faisaient face à un antisémitisme virulent, comme l’a révélé l’affaire Dreyfus, cet officier de l’armée française condamné comme espion en 1894 et réhabilité en 1906. La Shoah, c’est à dire l’extermination systématique de 6 millions de Juifs en raison de leur « race », engagée en 1933 et qui prend fin le 8 mai 1945, a montré combien une majorité du peuple juif était exposée à la destruction et beaucoup ont alors émigré en Israël.
Mais en 1948, les Palestiniens chassés de leurs maisons et de leurs terres, chassés d’une partie des Lieux saints de Jérusalem, appellent cet événement la Naqba : la catastrophe.« Une seule terre, deux peuples » : cela reste vrai jusqu’à aujourd’hui.
Rappelons les principales étapes de ce conflit.
Plusieurs guerres qui ont vu l’affrontement de soldats d’armées défendant le droit des Palestiniens ont eu lieu ou ont failli avoir lieu.
– En 1956, la guerre nucléaire entre les États-Unis et l’URSS, protecteurs respectifs d’Israël et de la Palestine, a failli avoir lieu à l’occasion de la prise de contrôle par l’Égypte du canal de Suez. Israël pouvait compter sur la France et le Royaume-Uni pour attaquer l’Égypte, défenseure des Palestiniens. La crise s’est terminée avec 231 morts côté israélien mais plusieurs milliers en Égypte et dans le monde arabe.
– En 1964 est née l’Organisation de Libération de la Palestine dirigée par Yasser Arafat jusqu’à sa mort en 2004 et actuellement par Mahmoud Abbas à Ramallah en Cisjordanie.
– En juin 1967, la « guerre des 6 jours » a vu un grand succès de l’armée israélienne qui a défait très rapidement l’armée égyptienne.
– En octobre 1973, la « guerre du Kippour » (fête religieuse juive, « guerre du Ramadan » pour les musulmans, pendant laquelle l’armée d’Israël est moins mobilisée) a permis une attaque réussie des armées principalement égyptienne et syrienne qui s’est rapidement retournée contre elles. Israël a alors réunifié Jérusalem, occupé une grande partie de la péninsule du Sinaï et le plateau syrien du Golan. Le reste du monde a subi les conséquences d’un premier choc pétrolier car les pays arabes réunis dans l’OPEP infligèrent cette sanction.
– En 1979, le premier traité de paix entre Israël et l’Égypte fut conclu sous l’égide du Président américain Carter à Camp-David aux États-Unis et permit une relative détente mais son initiateur, le Président égyptien Sadate, fut assassiné le 6/10/1981 par un groupe musulman qui n’acceptait pas la paix avec Israël.
– La première intifada (« guerre des pierres » qui voit des civils palestiniens s’opposer aux soldats israéliens) dura de 1987 à 1993 sans résultat et déboucha sur la seconde intifada en 2000.
– Le processus de paix a permis la création d’entités (États selon les Palestiniens) sur plusieurs parties de la Palestine : la bande de Gaza qui est passée aux mains du Hamas, soutenu par l’Iran, et la Cisjordanie dirigée d’abord par Yasser Arafat puis par Mahmoud Abbas.
Israël n’a pas manqué d’oppositions internes. Yitshak Rabin, héros de la guerre de Kippour, avait tenté de trouver un accord de paix mais était assassiné le 4/11/1995 par un Juif n’acceptant pas les accords conclus à Oslo en 1993 sous l’égide du Président américain Clinton.
– Une lutte s’est alors engagée entre le Hamas et l’autorité palestinienne, le premier gagnant l’épreuve de force en 2007 mais le second restant au pouvoir jusqu’à aujourd’hui, le peuple de Cisjordanie étant ainsi privé d’élection depuis 15 ans. Dernier épisode militaire, la guerre israélo-palestinienne qui a provoqué la mort de 2100 Gazaouis et 80 Israéliens en 2014.
La bande de Gaza est au cœur des contradictions entre musulmans : étranglée par l’Égypte, c’est aujourd’hui une des zones les plus densément peuplées au monde. La jeunesse n’y connaît d’autre espoir que de travailler en Israël ou partir.
Conclusion :
Le conflit israélo-palestinien est d’une grande complexité. Il trouve dans la religion un de ses aliments. Les Israéliens ne sont pas tous Juifs, les Palestiniens ne sont pas tous musulmans. Mais ils ont en commun de révérer les mêmes lieux saints : Jérusalem – Iéruschalaïm pour les Juifs pieux, la mosquée d’Omar pour les Musulmans.
Un autre aliment est le pétrole, bien qu’il n’y ait pas de pétrole en Israël et Palestine, mais il reste facteur de troubles. C’est lui qui servit de moyen de pression à l’OPEC quand elle décida en octobre 1973 d’utiliser cette arme en provoquant ainsi le premier choc pétrolier. Il sera suivi d’un deuxième choc en 1979 suscité par l’Iran et qui a été à l’origine de la nucléarisation du monde développé.
L’Iran est aujourd’hui l’ennemi numéro 1 d’Israël mais ne va pas jusqu’à la guerre – Israël a la bombe atomique sans le dire. L’Iran chiite a aussi pour ennemis les pays sunnites du Golfe qui font mine de soutenir de leur argent (le Qatar) et leur idéologie (l’Arabie Saoudite) la cause palestinienne.
L’internationalisation d’enjeux qui dépassent largement les quelque 9 Millions de personnes concernées par le conflit israélo-palestinien pousse ses habitants à chercher en grand nombre à établir leur destin ailleurs, en Asie en particulier. Il y a aujourd’hui plus de Juifs à New York qu’à Tel Aviv, plus de Palestiniens de par le monde qu’en Palestine.
Pour une raison très simple : on ne trouve pas de solution à ce conflit. Le CSNU n’est pas parvenu à établir une paix « juste et durable » et l’espoir aujourd’hui réside tout au plus dans le maintien de la stabilité.
L’hypothèse peut paraître baroque, mais la Chine ne va-t-elle pas tirer les marrons du feu ? Elle prétend trouver un accord de paix car sa puissance montante la rend nécessaire aussi bien aux Israéliens qu’aux Palestiniens.
Yves Carmona