Rien de tel qu’un feuilleton de Patrice Montagu Williams pour nous plonger dans les méandres du Triangle d’or ! « L’Impératrice Rouge », roman inédit de notre auteur de polar favori, est une enquête à hauts risques, entre DGSE et trafiquants de drogue.
Un roman inédit de Patrice Montagu Williams
L’intrigue.
Les saisies de drogue atteignent un niveau record dans le 13ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos.
Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ?
L’agent très spécial Ly, de la DGSE, est envoyé en Thaïlande pour régler le problème, par tous les moyens. Persuadé, comme le dit Sartre, qu’on ne peut vaincre le mal que par un autre mal, il vivra une histoire de passion, de folie et de trahison.
Rappel de l’épisode précédent : Réunion au sommet au siège des services secrets chinois, à Pékin. Il est décidé de maintenir la pression sur le gouvernement français et de ne pas mettre un terme au trafic de drogue, à Paris. Pour la première fois, est mentionnée l’existence de l’agent Wu, celle que les Chinois ont réussi à faire passer pour une légende et que l’on appellerait l’Impératrice Rouge.
Épisode 9 : Back to Bangkok.
Lorsqu’il aperçoit, en descendant Soi 4, depuis Sukhumvit Road, la file de charriots de vendeurs ambulants préparant du « som tam », une salade verte épicée, du « kai tod », du poulet grillé au charbon de bois, ou des insectes frits, Ly comprend qu’il approche du Nana Plaza, où se trouve son hôtel, le « Majestic Suites ». Il retrouve Bangkok avec un certain plaisir, mais sans illusion. Il sait que, sous l’ineffable sourire thaï et la grâce du salut « Waï », sous le « Sabaï-Sabaï », le cocktail de bienvenue, sensés témoigner de la joie de vivre, le fameux « Sanuk », d’une population qui ne donne jamais l’impression de courir après le temps, se cache souvent un monde beaucoup plus noir.
Il sait aussi que la capitale thaïlandaise est totalement ouverte aux services de renseignement du monde entier, aux organisations criminelles et aux réseaux terroristes, qui, tous, s’accordent sur un point : il faut surtout ne rien faire qui puisse modifier les règles du jeu. Ly a lu récemment, dans un rapport interne de la DGSE, que près de dix-mille passeports étaient fabriqués par des faussaires, chaque année, à Bangkok, et que la ville était devenue, en quelque sorte, le centre mondial de la confection de faux papiers. Il sait aussi que, derrière le matérialisme affiché, auquel ils se sont convertis, les Thaïs cachent leurs coutumes, légendes et mythes et restent largement hermétiques aux philosophies et croyances de l’Occident. Cette dualité peut créer des tensions insupportables chez certains individus entraînant des réactions imprévisibles que tout agent de terrain doit être à même de comprendre et de savoir maîtriser.
Bangkok noir
Ils s’étaient donné rendez-vous au « Charlie’s Kitchen », sur Sukhumvit Rd., à côté du « Majestic Suites ». Ly trouve que son interlocuteur affiche maintenant son âge, comme tout le peuple thaï, à présent menacé d’un « tsunami gris », ainsi que les démographes qualifient cyniquement le vieillissement de la population. Il a aussi l’air fatigué.
— La situation a beaucoup empiré à Bangkok, ces dernières années, hélas, cher Ly, lui dit le colonel Wichak. Toutes les enquêtes que nous avons menées, au « Central Investigation Bureau », le prouvent. La criminalité est ancrée dans ce pays.
Elle est entretenue par l’incapacité des gouvernements à réagir et à faire évoluer la culture du peuple thaï. Depuis l’arrivée du tourisme de masse, le nombre de crimes et de délits a explosé. Ceci est lié, en partie, à la consommation excessive d’alcool, de drogues, et à l’augmentation de ventes d’armes. Le nombre de meurtres par armes à feu est bien supérieur en Thaïlande à ce qu’il est aux États-Unis ! Et puis le Thaï est voyeur. La presse hebdomadaire adore diffuser des photos de cadavres mutilés et décapités. À chaque accident, les gens se précipitent pour faire des photos de corps ensanglantés. Mon explication est double. La première est que, comme nous n’avons connu aucun de ces génocides, comme la shoah ou celui des khmers rouges, nous n’avons pas développé de sensibilité morale face à la cruauté humaine. La seconde est que nous avons mal supporté le passage brutal à notre ère mercantile moderne. Cela s’est fait dans un temps très court et les gouvernements successifs ont été incapables de préparer une population, par ailleurs révoltée contre des politiciens corrompus, à cette évolution. Nous ne faisons rien par exemple, nous policiers, pour lutter contre le trafic et l’utilisation des armes à feu, de peur de devenir des cibles potentielles. Et, crois-moi, je sais de quoi je parle !
La piste de l’Impératrice Rouge
Le colonel est désabusé mais heureux de retrouver son ami. Avant de commencer leur déjeuner, il lui remet ses nouveaux papiers.
— Comme convenu avec tes supérieurs, te voilà officiellement Thaï, mon cher Ly. Ce n’est certes pas une promotion, juste un moyen de mener à bien ta mission…On a préservé tes origines Hmong. Tu t’appelleras Fu Tho. On a aussi prévu une couverture, au cas où certains se montreraient un peu trop curieux : officiellement, tu es associé dans un bar de Pattaya, le « Big Bar ». Il est tenu par un homme à nous, pas de souci…mais déjeunons et oublions tout ça.
Ils commandent un « nam phrik long ruea », un plat sophistiqué qui utilise plusieurs types de fruits, des crevettes séchées, du porc confit au sucre, de la patte de crevette, de l’ail, du sucre et, bien sûr, des piments. Ils y ajoutent des œufs de cane en saumure, une salade verte et des tranches marinées de zédoaire, une sorte de gingembre. Pour accompagner leur repas, ils ont choisi de boire du « cha yen », un thé glacé de couleur orange vif auquel ils ont demandé que l’on ajoute de la cannelle et des épices.
Un seul nom: l’impératrice rouge
— La seule piste dont nous disposions ici, c’est un nom, l’Impératrice Rouge, dit Wichak, à la fin du repas, à Ly qui lui a expliqué le but de sa mission. Tout le monde en parle, mais personne ne sait où elle se trouve. On dit qu’elle contrôlerait une partie importante du trafic de drogues du Triangle d’or. Un rapport du « Narcotics Suppression Bureau », que j’ai consulté, prétend qu’elle vivrait dans les collines du nord, du côté de Chieng Kong ou de Mae Sai, mais je n’y crois pas : si elle existe, si ce n’est pas une information montée de toutes pièces pour dissimuler autre chose par des services étrangers, chinois par exemple, ce qui collerait assez bien avec leur façon habituelle d’agir, c’est ici, en plein Bangkok, qu’elle se cache !
A suivre…