N’y a-t-il donc rien de bon dans la vie du colonial ? Cet exil qu’il a choisi n’est-il que la source de tous ses malheurs ? Son attirance pour ces « terres lointaines » ne pourra-t-elle lui apporter que désillusions et souffrances ? C’est du moins ce que veut nous faire croire Jean Jacnal dans son unique roman, paru en 1929 à Hanoï en 335 exemplaires seulement, mais qui ont cependant dû être difficiles à vendre, car les Indochinois d’alors avaient certainement eu du mal à se reconnaître dans les tristes héros de l’ouvrage…
Les personnages du roman vont se découvrir sur le bateau qui les mène de Marseille à Haïphong. Le triste héros du livre, d’abord, Léon Roslin : jeune homme de vingt-cinq ans, il quitte la France sur un coup de tête : sa fiancée, la belle Madeleine Giraud, refuse le mariage s’il ne se fait pas à l’église. Il décide de tout laisser et de partir aux Colonies, ces «rives lointaines » qui font rêver les jeunes hommes.
Le voyage est agréable et les compagnons de traversée diserts : M. Mauclair, garde principal de la milice indigène qui fait tout pour faire oublier à sa jeune épousée la séparation brutale d’avec sa famille ; Maxime Froment, vieux colonial, qui se retrouve dans le jeune homme, « lui qui avait vu tant d’espérances au voyage aller et tant de désillusions au retour »… Et puis la gracieuse Mme Guillon, qui, accompagnée de son jeune fils, rejoignait son mari, conducteur de travaux publics à Hanoï.
Peu après l’arrivée, Froment va aider le jeune homme à trouver du travail sur le chantier de construction de la ligne de chemin de fer du Yunnan. Hélas, le pauvre Léon va se faire berner par le sinistre Gladès, affairiste retors, et il va laisser dans l’entreprise la moitié de sa fortune et presque sa santé. Il devra être ramené de Mongtzeu à Hanoï à demi-mort des fièvres.
Après ce premier échec, Roslin va une nouvelle fois être aidé par ses amis Guillon. L’apprenti- colon, bien échaudé, va cette fois-ci entrer dans l’administration : il est nommé chef de district dans une petite ville du nord du delta tonkinois où vont se retrouver tous les personnages du roman. Roslin reste douloureusement partagé entre cette vie quotidienne à laquelle il se sent étranger, et ces rives lointaines qui peuplent ses rêves d’exilé : sa famille, son père et la jolie Madeleine, qu’il ne peut oublier.
Roslin vit mal, homme des ailleurs, incapable de s’intégrer au monde qui l’entoure. Il ne vit qu’au rythme des courriers qui arrivent de France. Sa sœur, complice, continue à lui donner des nouvelles de Madeleine.
Hélas, un jour funeste, la nouvelle lui arrive du mariage de sa bien-aimée, là-bas en France. Roslin, désespéré, va alors se jeter dans les bras de la fée verte, l’absinthe consolatrice.
C’est le début d’une lente descente vers la déchéance totale. L’histoire finira mal pour Roslin, qui disparaîtra les yeux fixés vers ces Rives Lointaines qu’il ne pourra jamais plus rejoindre.
« Rives Lointaines » de Jean JACNAL
Imprimerie d’Extrême-Orient
Librairie du Siam et des Colonies
Sukhumvit Soi 1
BTS Ploenchit
librairiedusiam@cgsiam.com