Les affrontements dans la journée d’hier entre la police et les manifestants ont fait 4 morts et 64 blessés. Les forces de l’ordre ont dû battre en retraite suite à une attaque à la grenade, alors que des tirs à l’arme automatique ont été échangés. Une violence qui ne surprend plus personne dans un conflit qui verse, comme en 2010, dans l’irrationnel…
Chalerm, le responsable des opérations menées depuis vendredi dernier par la police pour libérer les sites occupés par les manifestants, a du souci à se faire devant la résistance armée rencontrée hier matin par la police près du pont de Pan Fah, dans le quartier historique de Bangkok.
Des scènes de guérilla urbaine impressionnantes, visibles sur plusieurs vidéos diffusées sur Internet qui montrent à quel point ce conflit politique peut basculer dans une violence extrême à chaque confrontation entre les opposants et la police ou des supporters du gouvernement.
Les manifestants, qui ont pourtant toujours revendiqué une révolution pacifiste, accusent le gouvernement de provoquer ces affrontements et évoquent la présence d’une « troisième force », des hommes cagoulés lourdement armés venus leur porter main forte sans que personne ne sache exactement d’où ils sortent…
Trois d’entre eux auraient permis de libérer hier l’un des leaders du mouvement qui venait d’être capturé en attaquant le véhicule de police où il était détenu.
Déjà, lors des élections du 2 février, un homme au visage caché avait fait feu sur un groupe de supporters du gouvernement à l’aide d’un fusil automatique camouflé dans un grand sac d’une marque de popcorns. Perçu comme une sorte de « héros » par les manifestants, des t-shirts reproduisant le sac de popcorns sont apparus sur les stands de souvenirs présents sur les lieux des manifestations, entre les sifflets et autres objets incongrus…
Déjà, en 2010, des militaires, alors en charge des opérations de police contre les Chemises rouges proches de Thaksin, l’ancien Premier ministre chassé du pouvoir par un coup d’Etat en 2006, avaient été pris pour cibles par d’autres hommes en noir cagoulés qui s’étaient glissés dans la foule. Cet événement, où un commandant de l’armée avait perdu la vie, avait provoqué une réaction en chaîne qui s’était soldée un mois plus tard par une répression sanglante contre les manifestants et la mort de 91 civils et militaires. Aucun des assaillants n’a jamais été identifié.
Cette fois encore, alors que le conflit a pris une tournure dangereuse avec des attaques régulières à la grenade contre les sites où depuis trois mois les manifestants font le siège, aucun de ces mystérieux commandos n’a pu être appréhendé, laissant planer un doute sur ce qui se passe réellement dans les coulisses d’un conflit où les manifestants se sentent protégés par « des forces extérieures » qui tiennent le gouvernement en respect.
Ce qui pourrait paraître assez irréel pour des observateurs ne semble pas perturber le moins du monde les acteurs du conflit qui ont intégré ces interventions dans leur quotidien, sans vraiment chercher à comprendre les dangers auxquels ces tueurs les exposent, ni condamner leur présence.
Qui sont ces mystérieux groupuscules qui agissent dans l’ombre ? Par qui sont-ils commandités ? Que cherchent-ils ? Pourquoi n’a-t-on jamais réussi à les arrêter malgré la diffusion de plusieurs portraits robots ? Si ces questions n’ont toujours pas trouvé de réponses officielles, elles donnent toutefois une idée assez précise de la nature vicieuse du conflit qui se joue aussi bien dans la rue que dans les coulisses sombres du pouvoir et des casernes, qu’elles soient militaires ou de police.
Cette menace invisible qui pèse sur les forces de l’ordre peut toutefois expliquer pourquoi Yingluck, la chef du gouvernement, agit depuis le début du conflit avec une prudence déconcertante, évitant la confrontation avec les manifestants, jusqu’à laisser une poignée d’entre eux occuper des ministères et renvoyer chez eux les fonctionnaires…
Malgré la fermeté affichée ces derniers jours et les éclats de voix de Chalerm, le « dur à cuire » du gouvernement, on voit mal en effet depuis les événements d’hier comment ce dernier pourrait continuer à prolonger ses opérations de « nettoyage » sans exposer policiers et civils à de nouvelles attaques meurtrières… à moins d’une réponse du gouvernement adaptée à la menace, comme l’armée l’avait fait sous les ordres de Suthep – leader actuel de la rébellion – contre les Chemises rouges. Mais l’armée veille, cette fois, à ce que la police modère sa réponse…