Mecque mondiale de la plongée à bon marché, jouant d’une image un peu bohème que démentent pourtant les prix croissants de ses hébergements, Koh Tao la superbe a encore bien plus à offrir. Mais la haute saison est-elle le moment idéal pour le vérifier ?
Prévoir de passer ses vacances de Noël à Koh Tao, bonne idée ou déception assurée ? C‘est sûr que ce n‘est pas le meilleur moment pour découvrir l‘île, qui subit alors le double afflux des Occidentaux venus changer d‘année sous le soleil (les mêmes qui déferlent sur toutes les îles thaïlandaises à cette période), et celui, plus régulier sur l‘année, des aspirants plongeurs du monde entier. A ceux-là s‘ajoutent ou se confondent, depuis quelques années, des visiteurs plus « alternatifs », attirés par le festival Experience, quatre jours de musique électronique non-stop au sommet d‘une colline du Sud- Ouest de l‘île, incluant la soirée du 31 décembre. Voilà qui a de quoi détourner les jeunes Farangs en mal de sensations fortes des « full/half/black moon parties » de Koh Pha-ngan la voisine – et désormais rivale ?
Dans ces conditions, et si pittoresque que soit cette foule disparate, mieux vaut éviter de débarquer au débotté. Non que vous risquiez de vous retrouver à camper sur la plage – cette petite île de moins de 20 km2, dont une bonne partie sont impraticables du fait de la pente et de la dense couverture forestière, réussissant le tour de force de proposer près de deux cents hébergements différents ! – mais vous pourriez bien vous retrouver faute de mieux dans un dortoir aux draps douteux ou bien coincés dans une baie inaccessible et dépourvue de plage ! Ceci dit, une fois cette cruciale étape de l‘installation à Koh Tao franchie, vous constaterez qu‘on ne s‘y marche pas sur les tongs : les sites dignes d‘intérêt sont suffisamment nombreux, et les hébergements suffisamment diffus, pour éviter l‘effet-entonnoir dont souffre par exemple Tonsai sur Koh Phi Phi. A Koh Tao, pour éviter la foule, il suffit d‘éviter Sairee !
Mais à vrai dire, l‘accès même à l‘île pose problème en cette si haute saison : d‘une part les places sont rares dans les ferries et catamarans qui desservent l‘île depuis Chumpon, Surat Thani ou ses deux voisines Samui et Pha-ngan, ce qui rend impérative une réservation d‘au grand minimum 48 heures à l‘avance, à l‘aller comme au retour. D‘autre part, bien que s‘achevant théoriquement début décembre, la saison du « ciel gris, vents forts et mer agitée » peut aisément jouer les prolongations jusqu‘à début janvier. C‘est ce qui s‘est passé cette année, entraînant annulations de ferries en série, pression accrue d‘autant sur les catamarans, et dangereux remous dans les estomacs…
Éviter l‘île pendant les vacances de Toussaint et de Noël reste donc le moyen le plus sûr de s‘épargner ces désagréments. Mais d‘un autre côté, d‘avril à septembre, la mer est basse pendant la journée, ce qui rend baignade et plongée, deux grands attraits de Koh Tao, moins praticables. Reste donc février… ou le choix du moindre mal !
Où faut-il poser son sac ? Y a-t-il des endroits à privilégier et d‘autres à éviter ? La réponse la plus commode consisterait à dire « tout dépend de vos envies », mais en fait la plus réaliste est « tout dépend de votre mobilité », celle-ci étant conditionnée à votre capacité à piloter un scooter en milieu particulièrement hostile ! La topographie de l‘île – pour résumer : un éboulis rocheux aux pentes abruptes plongeant dans la mer – surprend en effet nombre de touristes qui s‘aperçoivent effarés que le magnifique resort où ils ont réservé se situe au bas d‘une vague piste pleine d‘ornières à la pente prononcée que les taxis rechignent à emprunter. Bref, ils ont le sentiment d‘être coincés, ce qui peut être frustrant dans une île dont l‘intérêt réside précisément dans la variété.
D‘où l‘importance en effet, surtout si on voyage avec des enfants – ou qu‘on ne sait pas piloter un deux-roues motorisé – d‘intégrer cette importante dimension « accessibilité » à la recherche du logement. Qui se limite alors aux trois villages de l‘île, chacun comportant une agréable plage : Sairee – à éviter si vous n‘êtes ni un plongeur ni un fêtard invétéré – ; Mae Haad, le village portuaire qui égrène le long de sa plage sud quelques-uns des établissements les plus séduisants de l‘île, du Koh Tao Royal Resort aux dispendieuses mais charmantes Charm Churee Villas éparpillées parmi les rochers ; et enfin Chalok Ban Kao, dont les bungalows « mountain view » du Koh Tao Resort, contrairement à ce que leur nom semble indiquer, offrent une vue superbe sur la mer… et une bonne suée à chaque volée d‘escaliers qu‘il vous faudra gravir pour regagner votre logis !
Si vous n‘avez pas peur de vous déplacer à mobylette, l‘éventail de choix s‘élargit considérablement, du luxueux mais discret Haad Thien sur la merveilleuse plage de sable blanc de Thian Og Bay au sommaire mais « breathtaking » View Rock de Hin Wong Bay en passant par les traditionnels et rudimentaires bungalows de plage – et quelle plage ! – du Sai Thong Resort et les jolis « nids d‘aigles » perchés sur la falaise du Freedom Beach Resort… Les hébergements pittoresques dans des cadres de carte postale ne manquent pas à Koh Tao !
Doit-on obligatoirement faire de la plongée pour apprécier Koh Tao ? Absolument pas ! D‘une part parce que l‘île, on ne le répétera jamais assez, est superbe, probablement l‘une des plus belles de Thaïlande, avec un contraste mer/montagne marqué qui n‘est pas sans rappeler les paysages méditerranéens, et ses rochers ronds, aussi spectaculaires en éboulis qu‘isolés, qui semblent ponctuer le paysage où que l‘on soit. Ce sont eux la véritable « signature » de l‘île.
D‘autre part, cette nature rocheuse du sol garantit aux nombreuses plages de Koh Tao des eaux très transparentes qui, combinées à la ceinture de corail qui l‘enserre de près, crée une situation particulièrement favorable à la plongée en apnée. Ce n‘est en effet pas un hasard si le masque et le tuba dépassent en nombre lunettes de soleil et chapeaux dans les devantures des boutiques ! Certaines plages de l‘île comptent en effet parmi les meilleurs spots de Thaïlande, qui ont le bon goût d‘être accessibles en quelques brasses. Ne manquez pas par exemple de longer la paroi rocheuse sur votre droite lorsque vous débarquez à Koh Nang Yuan, petite île « annexe » au nord-est de Koh Tao, consistant en fait en deux îlots reliés par un tombolo ou cordon sableux : le « monde de Nemo » vous y attend !
A Tanote Bay, autre site incontournable des amateurs de faune sous-marine, nagez en direction des rochers face à la plage, comme si vous vouliez rejoindre les casse-cous qui les escaladent pour en sauter : il y a fort à parier que vous ne les atteindrez jamais, absorbé que vous serez par les centaines de créatures croisées en chemin.
Ne négligez pas pour autant la jolie Sai Daeng Beach, ni les deux exceptionnelles plages de Sai Nuan. Ces dernières peuvent d‘ailleurs faire l‘objet d‘une belle balade à pied par l‘agréable chemin qui débute aux Charm Churee Villas puis serpente à flanc de colline avec la mer en contrebas jusqu‘à Chalok Ban Kao, reliant au passage une dizaine de plages ou de criques toutes plus attachantes les unes que les autres. Vous n‘êtes pas obligé de le faire en intégralité en une seule fois – les montées et descentes peuvent être assez éprouvantes – mais poussez au moins jusqu‘à la curieuse double plage des Tao Thong Villas. Et en chemin, n‘hésitez pas à vous sustenter d‘un délicieux curry au restaurant du Sai Thong Resort. Moments et photos mémorables garantis !
Il reste donc des parties de la côte non-aménagées ? Non défigurées par l‘un des deux cents hébergements évoqués plus haut ? Effectivement, cette partie du littoral sud-ouest de l‘île semble encore relativement préservée, encore que techniquement, lorsque l‘on chemine sur la fameuse petite piste piétonnière précédemment mentionnée, on passe du terrain d‘un resort à celui d‘à côté sans discontinuité ! Et pourtant, la nature est omniprésente, les bungalows s‘y intègrent avec une certaine habileté ; on sent que les concepteurs ont cherché à tenir compte de la présence des rochers, à en jouer parfois. Donc la côte, certes très aménagée (et aucune pente ne semble effrayer les promoteurs, si l‘on en croit les travaux en cours près de Mango Bay !), n‘est pas à proprement parler « défigurée ». Elle est même à vrai dire protégée par les contraintes de sa topographie, qui rend obligatoire l‘option « bungalows disséminés parmi la végétation et les rochers ». La nature vigoureuse de l‘île pose ses conditions et l‘emporte encore sur les appétits économiques dont elle fait l‘objet, ce qui la préserve de la laideur urbaine qu‘on peut observer tout le long de la « ring road » de sa voisine Samui. C‘est en revanche dans l‘intérieur des terres qu‘ont eu lieu – et que se poursuivent, comme en témoigne l‘énorme chantier à la sortie de Sairee en direction de Hin Wong Bay – les opérations immobilières les plus contestables, comme l‘imposante « Paradise Zone » du Koh Tao Resort qui couronne peu modestement le sommet entier d‘une colline de sa masse blanche, et lumineuse la nuit. La beauté de l‘île mérite tellement mieux que ces aménagements massifs et tape-à-l’œil, qui, s‘ils en venaient à se multiplier, ruineraient l‘équilibre fragile sur laquelle elle repose.
Dernières suggestions avant la traversée ? Pour le plaisir des yeux : ne manquez pas d‘aller escalader, au terme d‘une courte marche, les rochers du John Suwan Viewpoint près de Taa-Toh/Freedom Beach : la vue simultanée sur les deux côtés de l‘île y est exceptionnelle.
Pour les plaisirs du palais : le restaurant (et guesthouse) Utopia de Mae Haad se fait fort de vous rembourser si vous trouvez sur l‘île un burger meilleur que le leur… eh bien sachez qu‘il ne prend guère de risque. Enfin, de nombreux beach bar de l‘île pratiquent l‘art ô combien appréciable de l‘happy hour de 17h à 19h. C‘est évidemment l‘occasion de siroter un cocktail en admirant le coucher de soleil, alangui sur les coussins de n‘importe quelle plage de la côte Ouest… Mais si pour vous la qualité du cocktail compte plus que le sunset, c‘est au bar de la plage du très chic Haad Thien qu‘il faut aller déguster le vôtre : là officie en effet un professionnel de la chose, que les Occidentaux les plus branchés n‘hésiteraient pas à qualifier de véritable « mixologiste ». Ne vous attendez pas à un accueil des plus chaleureux si vous n‘êtes pas résident (on vous obligera à vous asseoir au bar, les tables étant réservées aux happy few…), mais vous verrez : le « Coconut Cooler » fait passer le tabouret !