Bangkok, 3/12/13 – 18h Des centaines de manifestants, mains et drapeaux levés, sont venus ce matin célébrer leur « victoire » dans les jardins du siège du gouvernement. Mais la bataille gagnée sur le terrain ne semble pas pour autant signaler la fin de la rébellion. Suthep parviendra-t-il à renverser le gouvernement ? Pas si sûr. Yingluck n’a pas pour autant jeté l’éponge. Après quatre jours de violences, l’ordre de ce matin de ne plus s’opposer aux manifestants ressemble à un repli tactique afin de calmer les tensions. Prayuth, le chef de l’armée, a endossé le costume inhabituel de médiateur entre les deux camps.
Les véhicules de police saccagés et les débris éparpillés un peu partout montrent la violence des affrontements qui ont eu lieu dimanche et lundi entre manifestants et forces de l’ordre. L’air, chargé de gaz lacrymogène, pique encore les yeux.
Un manifestant exhibe des cartouches de munition vides qu’il dit avoir trouvé sur place, accusant la police.
Dans les jardins qui entourent le palais où siégeait hier encore le gouvernement, des centaines de manifestants sont venus célébrer leur victoire. L’accès aux bâtiments est barré par une poignée de militaires non armés. La foule ne cherche pas à pénétrer à l’intérieur.
Près de l ‘entrée, reconnaissable à sa moustache, Chuwit Kamolvisit, une figure controversée de la politique thaïlandaise qui n’avait pas pris position jusqu’à maintenant, a les bras levés en signe de victoire.
Une provocation pour certains qui le prennent à partie et lui demandent de partir. Chuwit bouscule violemment l’un d’entre eux. D’autres lui jettent des bouteilles d’eau. Il bat finalement en retraite accompagné d’un garde du corps et s’éloigne, toujours les bras en l’air.
Du côté de Rama 1, le quartier général de la police royale est toujours protégé par les forces de l’ordre. Moins de 200 personnes font le siège devant les grilles. Tout autour, dans le quartier du Siam, l’activité est normale.
Suthep, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour sédition et est toujours retranché avec ses partisans dans le complexe gouvernemental de Changwatthana, à la périphérie de la ville, a qualifié cette victoire sur le terrain de « partielle », sans élaborer sur la suite à donner au mouvement.
Le chef de fil des opposants qui cherche à renverser le gouvernement par un soulèvement populaire veut remplacer le parlement par un « Conseil du peuple » chargé de réformer le système politique et barrer définitivement la route aux politiciens corrompus, incarné par Thaksin et son clan, portés au pouvoir par les urnes depuis 2001.
Une demande « inconstitutionnelle et irréalisable » rejetée par Yingluck, qui reste cependant « ouverte au dialogue et contre le recours à la force » pour tenter de sortir de la nouvelle grave crise politique que traverse le pays. Le gouvernement, qui redoute une montée de violence qui pourrait bénéficier à ses adversaires, préfère laisser les manifestants occuper le terrain que de réprimer par la force le soulèvement qualifié par les autorités de hors la loi.
Suthep quant à lui semble de plus en plus isolé et critiqué pour son entêtement à refuser toute discussion, mais aussi pour ses méthodes radicales (occupation de ministères et d’agences gouvernementales, intimidation des médias, affrontements avec les forces de l’ordre) et ses objectifs de réformes qui sortent du cadre du système démocratique.
Abhisit, le chef du parti Démocrate, est resté discret pendant les affrontements qui ont fait jusqu’à maintenant 4 morts et plus de 100 blessés. Le principal parti d’opposition est à l’origine de la fronde anti-gouvernementale et soutient Suthep depuis le début du mouvement de protestation contre la loi d’amnistie générale. Mais la tournure des événements et le détachement affiché de Suthep vis-à-vis de son ancien parti marquent peut-être un pas dans les relations entre les Démocrates et les leaders du mouvement.
Que peut faire Yingluck maintenant ? Si elle a évoqué pour la première fois hier son départ ou la dissolution du Parlement comme solution à la crise, les objectifs de Suthep et des manifestants de geler le système de démocratie parlementaire actuel ne semblent pas l’encourager à céder le pouvoir.