Suthep Thaugsuban a dévoilé vendredi soir une nouvelle action pour tenter de renverser le gouvernement : les manifestants qui occupent plusieurs sites à Bangkok convergeront ensemble vers le Palais du gouvernement lundi matin. Un autre « D day » pour le leader de l’auto-proclamée révolution du peuple qui appelle une nouvelle fois à la mobilisation générale des Thaïlandais contre le « régime Thaksin ». Une marche de la « dernière chance » pour un mouvement qui montre des signes d’essoufflement.
La trêve observée jeudi à l’occasion de l’anniversaire du roi aura comme prévu été de courte durée. Les cérémonies d’une Thaïlande unifiée derrière son monarque bien aimé se sont achevées sous un tonnerre de feux d’artifice. Puis chacun est rentré chez soi. Sauf les manifestants…
Suthep va-t-il réussir son pari ? Après les actions spectaculaires de ces derniers jours, le leader de la fronde anti-gouvernementale n’est pas parvenu à faire tomber le gouvernement.
L’ex-député du parti Démocrate, sous le coup d’un mandat d’arrêt pour insurrection et retranché dans un grand complexe gouvernemental à la périphérie de la capitale avec des milliers de ses partisans, a pourtant tout fait pour tenter de paralyser l’appareil d’Etat.
Mais après la mobilisation spectaculaire contre la loi d’Amnistie générale qui avait vu plus de deux cent mille personnes descendre dans la rue, ses appels successifs à la grève générale n’auront pas été suivis. Les occupations de ministères et de bâtiments publics auront peu gêné le fonctionnement de l’administration. Les affrontements avec les forces de l’ordre auront jeté un doute sur l’image pacifiste du mouvement et abouti à rien après que la police a choisi de laisser les manifestants pénétrer dans la zone protégée autour du siège du gouvernement et du Parlement.
Quant à son objectif de débarrasser définitivement le paysage politique du « thaksinisme », en référence au frère de l’actuelle Première ministre, symbole de corruption institutionnelle, de népotisme et d’autoritarisme, et de remplacer le Parlement par un « Conseil du peuple » chargé de redéfinir les règles du jeu, il a été reçu avec beaucoup de scepticisme et a fait l’objet de nombreux débats.
La mise sous scellés du régime démocratique a été jugée utopique et anticonstitutionnelle, même si, sur le fond, Suthep a tiré la sonnette d’alarme sur un système de régime démocratique défaillant.
Mais ce que Suthep n’a pas pu faire, c’est d’enclencher un soulèvement populaire. Le coup d’Etat civil initié par Bangkok et le Sud du pays n’a pas le soutien du Centre, du Nord et du Nord-Est majoritaire, qui depuis 2001 installe au pouvoir par les urnes des gouvernements « pro-Thaksin ».
Suthep et le parti conservateur Démocrate qui a initié et financé la révolte de la minorité contre la majorité avaient pourtant peu de chance de réussir de ce côté là. Ils pouvaient compter sur une partie des fonctionnaires et de la classe moyenne urbaine pour tenter de paralyser le système, mais savaient qu’ils ne gagneraient pas le cœur des campagnes et des classe défavorisées qui supportent massivement le gouvernement.
Ont-ils trop compté sur une intervention de l’armée, historiquement proche des conservateurs et qu’elle a toujours soutenus, aux côtés de la magistrature, depuis fin 2005, quand les premières Chemises jaunes ont commencé à se montrer ?
Prayuth, qui a endossé le rôle inhabituel de médiateur entre les deux camps, semble en tout cas peu disposé à intervenir. Yingluck a-t-elle négocié la carte du dialogue et de la non violence que réclame le chef de l’armée, tout en gardant une ligne ferme contre ses opposants ?
En « libérant » lundi les sites occupés par ses partisans pour converger vers un lieu symbolique où les forces de l’ordre ne les attendront pas, le combat de Suthep ressemble à celui de la dernière chance.
Philippe Plénacoste