Ils étaient quelques milliers de manifestants hier soir au Democracy Monument à avoir bravé la pluie. Sous les parapluies, têtes nues ou abrités par un grand chapiteau dressé par les organisateurs suite aux orages de la veille et enjambant la moitié de l’avenue Ratchadamnoen, les opposants au projet de loi d’amnistie générale, dont une majorité de femmes portant au cou le sifflet, symbole de la protestation, ont « fait du bruit » en signe d’approbation du discours d’Abhisit Vejjajiva, leader du Parti Démocrate, venu fustiger Yingluck Shinawatra et son frère Thaksin, les accusant tous les deux de « mentir continuellement » aux Thaïlandais sur leurs véritables intentions, après que la cheffe du gouvernement a tenté la veille de faire baisser la tension en déclarant qu’elle se plierait à la décision du Sénat s’il devait rejeter ce projet de loi très controversé.

Sous la pression de plus en plus forte de la rue et suite à l’ampleur inattendue du mouvement de protestation qui aura gagné, fait inhabituel, le personnel de certains ministères, des hôpitaux, des universités publiques et même de la magistrature, l’examen du texte par la Chambre haute initialement prévu lundi a été devancé à aujourd’hui. Mais cette précipitation, si elle indique sans aucun doute le rejet du projet par le Sénat, est aussi due au calendrier. C’est en effet lundi que la Cour Internationale de Justice doit se prononcer sur l’attribution du périmètre entourant le temple Preah Vihear, à la frontière thaïlando-cambodgienne, réclamé par les deux pays et sources de tension et d’exacerbation nationaliste.

Au même moment, la Première ministre demandait la fin des manifestations après le retrait au Parlement de six autres projets d’amnistie déposés par les députés du Pheu Thai, le parti au pouvoir.

Comme la veille à Ratchadamnoen, les forces de l’ordre sont restées très discrètes, avec l’absence remarquée de policiers ou de barrages filtrants aux abords du monument de la Démocratie où flottait un grand drapeau thaïlandais dressé par le Parti Démocrate, qui pour la petite histoire avait été porté au pouvoir entre 2008 et 2011 par un coup d’Etat militaire…

Alors que les plus irréductibles s’apprêtaient à passer la nuit sur place sous des tentes dressées sur une avenue parallèle, la manifestation « des siffleurs » risque d’attirer les foules ce vendredi, tandis que d’autres manifestations spontanées sont attendues dans le quartier des affaires.

Hier soir, à la sortie des bureaux, plusieurs milliers de personnes s’étaient rassemblées à l’intersection de Ratchadamnri, théâtre des violents affrontements de 2010, rendant cauchemardesque la circulation dans le centre-ville. (Philippe Plénacoste / www/gavroche-thailande.com)