La capitale laotienne, réputée pour s’être toujours préservée de l’assaut des grandes chaînes de supermarchés et de fast-food est en train de voir son visage changer. Qui aurait imaginé 10 ans en arrière, alors que le parc automobile était encore inexistant et les rues non encore goudronnées, voir fleurir dans la ville des enseignes de poulet frit, de hamburger et de pizza, à tous les coins de rue ?
Il y a encore peu, les résidents de Vientiane se gaussaient en regardant les capitales voisines, pas peu fiers d’être sans doute une des seules capitales au monde où n’étaient pas encore arrivées les grandes enseignes américaines de fastfood. « Ici, on mange frais, on achète les produits sur les marchés au jour le jour, et on fait de la bonne cuisine, peu grasse et très saine, on a la chance de ne pas avoir de mal-bouffe », confiait un restaurateur français installé à Vientiane, il y a encore un an.
Signe incontestable de l’ouverture rapide du pays à l’économie de marché, la révolution des assiettes est en marche à Vientiane. Une chercheuse franco-laotienne, doctorante en ethnologie, travaillant sur les changements dans les modes de nutrition dans la capitale, explique cela notamment par le fait d’une évolution des modes de vie. Auparavant, vivant dans un mode de vie paysan, suivant le rythme des saisons et des récoltes, les habitants du Laos se nourrissaient essentiellement de riz gluant : plus calorique que le riz normal, il tient au corps, nourrissant pour la journée le travailleur qui va dans les champs. Si ce mode de nutrition se retrouve toujours dans les campagnes, aujourd’hui, la capitale du Laos est entrée dans une nouvelle ère. Les industries se multiplient tout comme les compagnies de services et les salariés n’ont plus le temps d’entreprendre la préparation du riz gluant et des mets traditionnels. Il faut manger vite pour pouvoir retourner au travail. La mode des soupes de nouilles rapides, agrémentées de différentes viandes selon les restaurants, ainsi que la propagation des autocuiseurs de riz blanc, prêt en 10 minutes.
Mais ce n’est qu’au début de 2010, date de l’ouverture du restaurant flambant neuf d’une grande chaîne thaïlandaise de pizzas et de glaces de style américain, juste à côté du Palais National de la culture, que les points de vente d’une toute autre nourriture se sont multipliés dans le centre ville, allant de petits stands mobiles à de vrais restaurants fast-food, copiant de manière plus ou moins évidente les grandes enseignes étrangères. Hamburgers et pizzas sont en passe de devenir la référence de la nourriture occidentale, alors que ces plats étaient encore une rareté, il y a tout juste 3 ans. La globalisation semble donc s’être définitivement infiltrée dans la belle endormie qu’était Vientiane. Si certains s’en désespèrent en constatant qu’aujourd’hui un certain nombre de pays tente de rebrousser chemin pour retourner vers une nourriture plus saine, d’autres y voient la confirmation d’un dynamisme économique et social, d’une véritable évolution des moeurs vers une ouverture internationale.
Quelle que soit l’opinion de chacun, le fait est que ces nouveaux restaurants ne désemplissent pas et deviennent même le nouveau rendez-vous à la mode de la jeunesse dorée de la capitale.On s’y rend en 4×4, avec les derniers portables et vêtements à la mode ; il faut s’y montrer pour être dans le vent. Cerise sur le gâteau, le restaurant traditionnel au nom évocateur Khouvieng Fried Chicken (KFC) qui faisait la joie des petits et des grands sur cette artère de la capitale nommée Khouvieng, va être détrôné sous peu par son homonyme américain du Kentucky qui débarque en grande pompe sur les bords du Mékong !
Marguerite Thibout