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Thaïlande, conflit politique. Les jaunes ont-ils vraiment gagné?

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 17/12/2012
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Mercredi 3 décembre. Les scènes de liesse des supporters de l’Alliance du Peuple pour la Démocratie (PAD) célébrant leur « victoire » hier soir cachent pourtant une autre vérité : celle d’un immense gâchis. Car le départ du Premier ministre et de son gouvernement n’est pas le résultat de leur combat mené tambours battants depuis trois mois.

 

Si les trois partis qui formaient la coalition au pouvoir sont tombés pour fraude électorale, provoquant l’inéligibilité de leurs principaux dirigeants, c’est à la justice qu’ils le doivent. La Cour Constitutionnelle n’a fait que rendre un jugement attendu depuis plusieurs mois. On peut, certes, penser que le tribunal a voulu délibérer avant le 5 décembre, anniversaire du Roi. Mais prétendre, comme l’un de ses leaders l’a déclaré hier soir, que la PAD a «fait pression sur les juges» est un mensonge. Pour preuve, l’anticipation des partis politiques concernés, qui ont déjà formé un nouveau parti, le Puea Thai, afin de contester de prochaines élections.

 

L’histoire qui recommence

 

Les pro-Thaksin ont perdu une autre bataille mais pas le pouvoir. On imagine, après le Thai Rak Thai de Thaksin, le Power People Party de Samak et Somchai, que le Puea Thai de Suchart Thadathamrongvej (ancien vice-ministre des Finances) a toutes les chances de gagner les prochaines élections. Et si la nouvelle génération de leaders arrive, cette fois, à placarder les vieux loups au passé controversé et à surveiller qu’aucune brebis galeuse, en trichant, ne compromette ses chances, elle aura encore plus de légitimité. Les récentes démonstrations de force des rouges qui ont mobilisé les foules lors de leurs rares contre-manifestations anti-PAD, ont montré que Thaksin reste très populaire dans le pays. La prise des aéroports a aussi certainement fait perdre à la PAD – dont les objectifs de certains de leurs dirigeants sont contestables (1) – le support de la «majorité silencieuse», ces Thaïlandais ni rouges ni jaunes qui aspirent à la paix sociale et qui pourraient bien voter au «milieu», incarné aujourd’hui par le parti Démocrate. Ce dernier s’est peu à peu détaché de la mouvance PAD après l’avoir ouvertement soutenue jusqu’au coup d’Etat de 2006.

 

Une ombre bienveillante

 

Occuper pendant trois mois le siège d’un gouvernement ou, encore plus spectaculaire, boucler les deux aéroports de la capitale, sont des faits d’armes remarquables qui resteront dans l’histoire politique du royaume. Motivés, bien organisés, les sympathisants de la PAD sont allés jusqu’au bout de leur combat et de leurs convictions. Mais la réponse à la question que tout observateur est en droit de se poser – auraient-ils pu agir aussi librement sans protections ? – est déjà écrite. L’Armée, acteur et arbitre à part entière du conflit, a fait connaître sa position en favorisant la dissolution du Parlement à une intervention musclée. Elle a muselé le gouvernement en refusant de se mettre à son service comme l’état d’urgence décrété par le Premier ministre l’imposait ; tout en laissant la PAD s’exposer à l’ire de la population et de la communauté internationale. Comme les autres acteurs de ce conflit qui aura tant coûté au royaume – sa crédibilité à faire respecter la démocratie et l’Etat de droit ; sa place, chèrement gagnée, dans le concert de la communauté internationale ; son secteur touristique, KO debout ; mais aussi des vies humaines – elle s’est rangée derrière la décision de la justice.

 

Et maintenant ?

 

Le mouvement PAD revendique une démocratie «propre», exempte de corruption, de népotisme et de clientélisme (durty politics) ; plus représentative aussi de la nouvelle classe moyenne et des milieux intellectuels. Dans l’incapacité de combattre par les urnes une élite affairiste richissime, qui utilise l’argent et son influence paternaliste sur les masses comme tremplin d’accès direct au pouvoir (money politics), il a formé une armée civile non démocratique pour tenter de changer la donne.

 

Fort de ses propres contradictions, il veut protéger la Constitution de la junte militaire, votée en 2007, tout en privilégiant l’abolition partielle du suffrage direct ; car il estime que les classes pauvres, majoritaires dans le royaume, ne sont pas assez «mûres» pour se libérer de l’emprise des «Phu yai» (ces « grands frères » qui les protègent). Mais il représente aussi le bouclier civil d’une autre élite, qui a vu dans la montée en puissance du milliardaire Thaksin, une grave menace.

 

La tenue de nouvelles élections ne changera probablement pas la distribution des cartes. Les pro-Thaksin reviendront avec la rébellion PAD dans leurs basques. Mais le conflit récent est aussi porteur d’espoir. Pour deux raisons :
– La « majorité silencieuse » devrait gagner du terrain dans les urnes et amenuiser l’outrageante domination des « rouges ». Ce qui engendrerait une opposition parlementaire plus forte et plus vigilante.
– La justice, pilier du système démocratique thaïlandais, a renforcé son indépendance depuis 2007 et est devenue un arbitre incontournable. Certes, on pourra toujours émettre des doutes sur son allégeance, et sur le fait qu’elle s’appuie sur une constitution partisane enfantée sous l’influence d’une junte militaire. Certes, on ne peut pas oublier que le but avoué du dernier coup d’Etat était de détruire l’empire Thaksin, accusé d’avoir lui-même détourné la constitution de «Peuple» de 1997 pour servir ses intérêts et ceux de son clan. On ne peut pas effacer le fait que des commissions et un tribunal spécial aient été créés uniquement pour cette «chasse à la sorcière». Mais le Puea Thai et ses alliés dirigeront demain le pays avec cette épée de Damoclès au dessus d’eux, prête à leur couper la nuque au moindre faux pas! Ils ne s’aventureront plus à tenter d’acheter ou de contrôler la justice comme sous l’ère Thaksin.

 

Les Thaïlandais, qui aspirent à retrouver la paix sociale et à protéger la monarchie constitutionnelle qu’ils vénèrent plus que tout, ont peut-être trouvé une vraie raison d’espérer.

 

Gavroche, Philippe Plénacoste

 

(1) Lire à ce sujet les portraits de «Sondhi le Bel» et de «Chamlong le Pieux» dans Gavroche de décembre 2008, en kiosque dès jeudi.

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