Alors que les manifestations violentes se poursuivent dans les rues de Bangkok et soldent par des tirs policiers à balles de caoutchouc, le journaliste Pravit Rojanaphruk vient de publier un article dans lequel il détaille la liste des «ennemis de l’État» compilée par le gouvernement et les militaires.
La liste top secrète des 183 ennemis de l’État thaïlandais, qui a fait l’objet d’une fuite lundi 9 août, rappelle selon Pravit que le régime est plus dictatorial et paranoïaque qu’on ne le pense.
La junte militaire qui est arrivée au pouvoir par le coup d’État de mai 2014 était censée être dissoute il y a deux ans, après les élections générales de 2019, par le régime actuel, dirigé par le même ex-chef de junte, le général Prayut Chan-o-cha.
Sur cette liste publiée par le portail d’information Khao Sod (dont nous vous recommandons la lecture), les dissidents et les noms de politiciens d’opposition, de dissidents et de militants célèbres y figurent. Parmi les personnes qui ont reconnu leur présence sur la liste, citons Pita Limjaroenrat, chef du parti d’opposition Move Forward, Thanathorn Juangroongruangkit, ancien chef du parti Future Forward, Rangsiman Rome, membre du parti Move Forward, les principaux leaders des manifestations contre la réforme de la monarchie (certains sont maintenant de retour en prison, ce qui facilite grandement la surveillance), des dissidents en exil recherchés pour lèse-majesté, Yaowalak Anuphan, chef du groupe des avocats thaïlandais pour les droits de l’homme. Cette liste a été mise à jour au 1er juin. Pravit y figure lui même, sous le numéro 143.
Beaucoup de jeunes militants
Selon le journaliste, un bon nombre de ces 183 personnes sont de jeunes militants, certains peu connus du grand public. Deux filles ont 15 ans. Il y a un adolescent en uniforme de scout et même un moine bouddhiste en exil. La liste est accompagnée de photos d’identité de chaque personne figurant dans le document, ainsi que de nos numéros de carte d’identité et de passeport, et de notre casier judiciaire et de notre statut s’il y en a un. Elle précise également si les personnes figurant sur la liste se trouvent actuellement en Thaïlande ou à l’étranger. Pour ceux qui sont partis, elle comprend leur numéro de vol et leur destination.
Seul l’État a accès à ces informations et il n’y a donc que peu ou pas de doutes quant à l’authenticité de la liste, même si un porte-parole de la police de l’immigration a déclaré que la liste n’avait pas été produite par eux.
Plus d’un tiers, soit 68, des personnes figurant sur la liste ont moins de 25 ans et sept d’entre elles ont moins de 18 ans. L’un des jeunes de la liste est Bunkueanun “Francis” Paothong, un ancien leader étudiant de l’université Mahidol.
Un événement connexe survenu plus tôt cette semaine a également confirmé que l’État ne perd pas le cœur et l’esprit de nombreux jeunes. La police va désormais envisager d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre des parents qui n’empêchent pas leurs adolescents de se joindre aux manifestations contre la réforme de la monarchie et le gouvernement, qui se sont envenimées ces dernières semaines. Elle utilisera la loi sur la protection de l’enfance pour s’assurer que les parents de ces adolescents protestataires les gardent à la maison.
Remerciements à Michel Prévot