INDOCHINE – LIVRE : « Saignée blanche » de Jacques Conia
Jacques Conia, dont c’est le vrai nom, est né en 1929 à Laventic, dans le Pas de Calais. Il fait ses études à Nîmes, et après une année aux Beaux-Arts, part pour le service militaire en Algérie. Il reste en Afrique du Nord où après plusieurs petits boulots, il commence à écrire pour les journaux. Il revient en France en 1950, et après avoir été libraire à Paris, il part aux états-Unis pour un an dans une école de pilotes-aviateurs. Puis c’est le Cambodge, où pendant un an il dirige une plantation d’hévéas. Après l’Indochine, s’ouvrira pour lui une longue carrière de journaliste, d’abord en Afrique, puis en France, où il deviendra inspecteur général de l’INA.
Après sa première œuvre romanesque signée de son vrai nom, il écrira sous divers pseudos, dont le plus connu est celui de Jacques Hoven, des romans de guerre, quelques romans d’espionnage et enfin neuf titres de science-fiction.
C’est de son expérience cambodgienne que va naître le beau roman Saignée blanche, paru en 1955 chez Denoël.
Nous sommes en 1954, la France passe la main en Indochine. La guerre gronde et les partisans vietminh se cachent dans les immenses forêts d’hévéas de Cochinchine. Au Cambodge voisin, sur la plantation de Thmar-Cham, le latex reste toujours roi. Une poignée de Blancs et une armée de malheureux coolies se battent contre les caprices de la nature et les traîtrises des hommes, pour faire respecter les règles sévères du sacro-saint rendement, édictées dans les bureaux parisiens des actionnaires. Jean Lorval est le héros lucide et cynique de cette histoire d’hommes.
Un jour, débarque au milieu de tous ces planteurs aguerris, un nouveau, le jeune Rippert. Lorval sent bien qu’il n’est pas fait pour cette vie où le moindre sentiment d’humanité n’existe plus et où seuls comptent le rendement, la médiocrité et la bassesse devant le supérieur.
Au cours d’une chasse nocturne, les deux hommes tombent dans une embuscade vietminh. Rippert fera la preuve de son courage et en arrivera à tuer de ses mains un des assaillants. Lorval se prend d’amitié pour le jeune homme, trop tendre, trop fragile, mais en qui il retrouve sa propre image, lorsque quelques années plus tôt, il arrivait lui aussi en Indochine.
Il essaiera bien d’aider le jeune homme à supporter toutes les injustices des colons, mais comment oublier les mesquineries quotidiennes de ses collègues et la dureté avec laquelle sont traités les pauvres coolies de la plantation.
Même les rares instants de détente que l’on peut trouver, auprès des pathétiques prostituées du Lux à Kompong Cham, ne pourront lui faire oublier la justice à laquelle il croit.
Un drame qui se déroule au milieu de la plantation, aux alignements silencieux et implacables, ces galeries sans fin, bordées d’hévéas « qui s’élèvent comme les colonnes d’un cloître, prémices d’une gigantesque cathédrale à jamais inachevée ».
François Doré
Librairie du Siam et des Colonies
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