A la suite du retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan, l’Institut Montaigne publie un point de vue du chercheur Christophe Jaffrelot dont nous publions des extraits et vous recommandons la lecture intégrale. Selon lui, l’Asie du Sud pourrait devenir l’épicentre d’une nouvelle guerre froide.
Nous publions ici des extraits d’une note de l’Institut Montaigne
L’Afghanistan constitue un enjeu majeur des relations indo-pakistanaises depuis au moins quarante ans. C’est en effet dans les années 1980 que s’est cristallisée la notion pakistanaise de “profondeur stratégique” : il s’agissait désormais pour Islamabad (et plus encore pour Rawalpindi, où se trouve le QG des militaires) de prendre pied en Afghanistan pour disposer d’une arrière-cour propre à faire davantage le poids – ne serait-ce que géographiquement – face à l’Inde.
C’est en partie pour cela que l’armée pakistanaise – conjointement avec les États-Unis – a soutenu les Mujahideens qui sont venus à bout des soviétiques à la fin des années 1980 puis a contribué à installer les talibans au pouvoir au milieu des années 1990.
Pour les Pakistanais, les troupes du Mollah Omar présentaient alors un autre avantage : bien que Pashtuns, ils promouvaient un répertoire identitaire islamiste propre à disqualifier le nationalisme Pashtun qu’Islamabad redoutait depuis la création du Pakistan en 1947. Les nationalistes Pashtuns, depuis les années 1920, refusaient en effet de se reconnaître dans le projet pakistanais, qu’ils aient prêté allégeance au Congrès du Mahatma Gandhi ou qu’ils aient regardé l’Afghanistan comme leur mère patrie. Kaboul, jusqu’aux années 1980 avait cultivé à la fois l’idée suivant laquelle les Pashtuns du Pakistan avaient vocation à rejoindre l’Afghanistan et un intense partenariat avec New Delhi. La première victoire des talibans avait donc débarrassé le Pakistan à la fois de la crainte de voir un jour se constituer un grand Pashtunistan et de l’amitié indo-afghane qui le prenait en tenaille.
Première arrivée des talibans au pouvoir en 1996
Pour l’Inde, par contre, l’arrivée des talibans au pouvoir en 1996 revêtit d’emblée des allures de catastrophe, non seulement pour les raisons géopolitiques que je viens de citer, mais aussi parce que l’Afghanistan devenait un foyer d’islamisme dont les jihadistes étaient susceptibles de frapper au Jammu et Cachemire.
De fait, à peine terminé le jihad anti-soviétique, des terroristes pakistanais qui avaient acquis leurs lettres de noblesse en Afghanistan ne tardèrent pas à frapper l’Inde. Au Cachemire dans les années 1990, au-delà – y compris à Delhi et à Mumbai – dans les années 2000. C’est pourquoi l’Inde vit dans la guerre qui suivit le 11 septembre 2001 l’occasion de reprendre pied en Afghanistan dans le sillage des Occidentaux. Si elle n’envoya pas de troupes, elle déploya une politique d’aide très généreuse qui en fit le cinquième donateur d’un pays en pleine reconstruction à partir du milieu des années 2000. L’Inde bâtit des routes, un hôpital pour enfants et même le parlement afghan !
Hamid Karzai, qui après l’invasion soviétique avait fait des études en Inde, constitua un allié de premier ordre dans les années 2000 et New Delhi misa ensuite sur son successeur, Ashraf Ghani, au point de livrer des hélicoptères d’attaque à l’Afghanistan en décembre 2015, à l’occasion d’une visite officielle de Narendra Modi à Kaboul…..Pour l’Inde, le retour des talibans constitue aujourd’hui un indéniable revers.
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