À la veille de Songkran, qui marque le Nouvel An thaïlandais, la joie de tout un peuple est prête à exploser dans des gerbes d’eau et des cris de joie. Mais pour certains, avril est aussi un mois d’angoisse et d’incertitude. Car c’est aussi la période du tirage au sort organisé par l’armée pour appeler les jeunes conscrits qui rejoindront les casernes pour deux ans de service militaire.
Une loterie orchestrée à la façon d’un show et à l’échelle nationale, dans des espaces commerciaux ou des lieux publics où sont réunies les familles attendant de connaître le sort du fils. Après une évaluation physique, les examinateurs reformeront d’abord les inaptes en tout genre. Le troisième sexe sera exempté pour « poitrine difforme » sans jamais mettre en cause un quelconque déséquilibre psychologique.
Le souffle court, les mains moites, tous prient pour ne pas partir, d’autres notent les bons et mauvais signes de la journée. Ici, les chanceux seront les perdants. On fermera les yeux à l’appel de son nom, la réaction de la foule confirmera le résultat. Un billet rouge et c’est l’enrôlement, il faudra partir pour une éternité, oublier sa famille, interrompre ses études ou son travail et s’éloigner de ses amis, et peut-être même aller combattre dans le Sud où les tensions sont toujours vives et les risques importants.
Un billet noir et le soulagement se fera dans un bruit assourdissant d’applaudissements. L’intermède n’aura duré qu’un jour et la vie suivra son cours habituel. Car ceux qui sont là n’ont pas choisi de partir volontairement. Les inscriptions spontanées au service militaire donnent le droit à une « demi-peine » d’un an. Ceux tirés au sort prennent deux ans, auxquels s’ajoutent trois ans de prison pour ceux qui tentent d’y échapper.
Les nouvelles recrues s’inquiètent d’une vie difficile sous la rigueur d’une instruction militaire intraitable et d’une discipline de fer. Cette demi-mesure du tirage au sort n’a jamais été envisagée en France, où la conscription est devenue le service militaire, puis en 1965 le service national.
Les inscriptions spontanées au service militaire donnent le droit à une « demi-peine » d’un an.
C’est le président Jacques Chirac qui le ramena à une année en 1997. Jusqu’en 1923, les appelés partaient pour trois ans, puis 18 mois, sauf pendant la guerre d’Algérie. En 2002, l’armée française deviendra une armée professionnelle et ne recrutera plus que des volontaires.
Mais le débat est toujours aussi vif concernant une réactualisation d’un service militaire obligatoire en France. Lors de sa campagne électorale, Le président Macron proposait un mois de service et d’instruction obligatoire. Les jeunes français, hommes et femmes, ont seulement une journée de service citoyen en milieu scolaire, ce qui permet tout au plus de les recenser et de les inscrire sur les listes électorales.
Fin janvier, le président français déclarait qu’« il ne s’agit pas de réinventer un service militaire, mais de donner à la jeunesse de France des causes à défendre, des combats à mener dans les domaines social, environnemental et culturel ». A chacun d’en tirer des conclusions.
Au sein du gouvernement, on débat sur le simple mot obligatoire, Florence Parly, ministre des Armées, déclarant que « ce service militaire ne sera pas obligatoire dans le sens ou les gendarmes viendraient chercher les réfractaires » . Enfin, voilà où nous en sommes, à débattre sur le sens de « obligatoire » qui viendrait en contradiction à la déclaration des droits de l’homme devant la Cour Européenne.
Inutile de vous dire que la Thaïlande n’aborde absolument pas ce genre de réflexion. Même après un service militaire volontaire ou désigné, il faudra montrer des compétences particulières pour rester dans l’armée. On y exigera un niveau d’instruction supérieur à un bac plus trois. Plus que de le défendre, l’armée dirige le pays.
Quant aux rumeurs de corruption possible pour éviter le service militaire en Thaïlande, l’armée mène l’enquête. En France, on se souvient des dossiers « P 4 » et des diverses manoeuvres pour échapper au service militaire. Le statut d’objecteur de conscience n’existe pas en Thaïlande…
Oriane Bosson (http://www.gavroche-thailande.com)
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