Le 11 août dernier, l’ambassade de Chine à Bangkok a officiellement présenté Han Zhiqiang, 58 ans, comme le nouvel ambassadeur de Chine en Thaïlande. À première vue, il s’agit d’une nouvelle assez anodine. Mais la nomination de Han Zhiqiang met fin à près de deux ans pendant lesquels la Chine n’a pas eu d’ambassadeur officiel en Thaïlande. Le site The Diplomat, toujours bien informé, y voit une nomination destinée à contrer le rapprochement actuel entre Bangkok et Washington
L’ancien ambassadeur Liu Jian aurait quitté la Thaïlande en décembre 2019, invoquant des raisons de santé pour expliquer son départ soudain. Depuis lors, le chargé d’affaires Yang Xin avait pris la place de l’ambassadeur chinois par intérim. Grâce à sa profonde compréhension de la Thaïlande et à sa capacité à communiquer couramment en thaï, Yang Xin a maintenu une présence très visible. Il est apparu dans plusieurs médias ayant une bonne exposition au public, notamment dans une émission de débat populaire de PBS en Thaïlande et dans le podcast de Suthichai Yoon.
Fissures dans l’amitié sino-thaïlandaise
Pourtant, l’absence d’un ambassadeur chinois a soulevé des questions sur les fissures dans l’amitié sino-thaïlandaise, qui s’est épanouie depuis le coup d’État thaïlandais de 2014. Une théorie populaire veut que le retard de la nomination reflète l’irritation de Pékin envers Bangkok pour avoir donné le feu vert à Washington pour la construction d’un nouveau consulat américain à Chiang Mai, une province du nord de la Thaïlande située à proximité de la frontière sud de la Chine.
Chiang Mai, base américaine
La construction du consulat, qui devrait être achevée en 2023, coûtera environ 284 millions de dollars. Des observateurs, dont Sondhi Limthongkul et Jatuporn Prompan, personnalités connues de camps politiques opposés, soulignent que l’investissement de Washington est d’une ampleur suspecte. Il semble que Washington cherche à utiliser Chiang Mai comme une base d’où espionner les provinces du sud de la Chine, dans un contexte d’escalade de la concurrence stratégique entre les deux superpuissances.
Contrairement aux chefs militaires du gouvernement thaïlandais qui sont dépeints comme pro-chinois, le ministre des affaires étrangères Don Pramudwinai – un ancien élève de l’université de Tufts – serait ouvertement pro-américain. Cette perception s’est répandue après la remarque dangereuse du ministre selon laquelle Washington a alerté Bangkok “un jour à l’avance” de l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani l’année dernière.
La spéculation publique selon laquelle la Thaïlande a adopté une position plus pro-américaine a incité le ministère des Affaires étrangères (MAE) à publier une déclaration en juin de cette année, insistant sur le fait que l’approche de la politique étrangère de la Thaïlande consiste à maintenir une position équilibrée entre les États-Unis et la Chine.
“Famille unique”
L’ambassadeur Han Zhiqiang est arrivé à Bangkok deux mois après la déclaration du MAE. Dans son premier message, le nouvel ambassadeur a insisté sur la notion de “famille unique” entre la Chine et la Thaïlande et s’est engagé à apporter à la Thaïlande un “soutien inconditionnel” pour lutter contre la pandémie de COVID-19.
Remerciements à Philippe Bergues