Ce club de « brontosaures », comme ils aiment à se nommer, comprend une quinzaine d’afficionados dont la moyenne d’âge frise les 77 ans. Le doyen, son altesse sérénissime le Prince Roland Philippe Hercule Jean-Marie Colonna Ceccaldi de Vescovato, ancien co-directeur artistique au Crazy Horse, parfumeur, voyageur, 34 fois « tourdumondiste », vient de fêter ses 93 ans. Francophones amoureux du Siam, ils se réunissent tous les mardis midi, depuis 2004, qu’il vente ou qu’il neige, autour d’un déjeuner ritualisé, dont la succulence est moins dans l’assiette que dans les conversations effrénées, voire frénétiques.
Midi sonne et la porte vitrée de l’hôtel Furama sur Sathorn s’ouvre devant une grande rangée en longueur de tables dressées. Les membres du club des Vieux Bambous arrivent, toujours ponctuels, avec ou sans canne, mais toujours avec le sourire. Le président, Camille Geslin, regard bleu océan, chemise rose bonbon, mèche blanche gominée, attribue les places, présente les nouveaux venus, représente les anciens. « Tiens aujourd’hui, nous serons 25 ! », déclame-t-il (il faut parler fort au club des Vieux Bambous…) La grande famille se compose et se recompose tous les mardis midi. On attend les uns, on découvre les autres.
Montrer canne blanche
Un « vieux bambou » est de préférence un homme d’un âge vénérable, qui a passé plusieurs décennies en Thaïlande, qui parle thaï, qui a bien connu le vieux monde, en parle amoureusement et parfois le regrette. Curieux de nature, l’oeil qui pétille, il est avide de savoir qu’il dispense certes, mais qu’il aime aussi à recevoir.
Le potin y est de bon ton mais toujours bienveillant. Écrivain, artiste, intellectuel, voyageur, danseur, il est coquin, malin, sarcastique, candide, spirituel, matérialiste, gourmand et bien vivant ! Il doit savoir manier la dérision et surtout l’autodérision, pencher pour la joie de vivre contre vents et marées. Politesse oblige, il n’est pas de bon ton ici de se plaindre.
Retraités ou presque, ils échangent des idées, partagent leurs livres et leurs souvenirs communs, entrelacés ou pas. La créativité y est hautement encouragée. L’un monte sur scène et déclame ses poèmes que ventilent les frous-frous des danseuses. Les plus agiles dansent le tango, le samedi soir chez Lynn, au Rembrandt Hotel. L’un d’entre eux a même monté une petite maison d’édition où les écrivains confirmés chaperonnent les novices.
Et les femmes dans tout ça ?
« Nous accueillons volontiers les jeunes pousses, insiste Camille. Pour passer le « bisoutage », elles doivent disposer, comme tous les autres membres du club, des qualités suivantes : amabilité, tolérance, générosité, jovialité, courtoisie, bonne humeur et sens de l’humour ». L’une d’entre elles est même devenue une régulière. La quarantaine, elle a conquis les vieux bambous qui en ont fait leur égérie. « Depuis son arrivée, on a rajeuni de dix ans ! », lance l’un des doyens.
Christelle Célèrier (http://www.gavroche-thailande.com)
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