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BIRMANIE – DIPLOMATIE: Le coup d’État militaire birman, séisme politique pour l’ensemble de l’Asie

Journaliste : Sam Rainsy
La source : Gavroche
Date de publication : 13/09/2021
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Sam Rainsy, leader de l’opposition cambodgienne en exil, nous propose régulièrement ses analyses et commentaires, tant sur le Covid sur sur la situation internationale. Son propos sur la Birmanie, et les risques qui découlent du chaos politique dans ce pays, mérite notre plus grande attention.

 

Une analyse exclusive de Sam Rainsy

 

L’appel au soulèvement populaire contre la junte militaire que vient de lancer le Gouvernement d’Unité Nationale (GUN) récemment formé par les forces démocratiques de Birmanie et la guerre civile que cet appel annonce, constituent un évènement majeur qui aura de profondes répercussions internationales.

 

Après le coup d’état militaire du 1er février qui a mis brutalement fin à une transition démocratique chaotique, le GUN représente bien la légitimité populaire et doit être reconnu comme le seul gouvernement légal  birman puisque le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue Nationale pour la Démocratie, avait remporté par une écrasante majorité les deux élections successives de novembre 2015 et novembre 2020.

 

Similitude des situations en Birmanie et au Cambodge

 

La situation en Birmanie rappelle celle du Cambodge où l’homme fort du pays, Hun Sen, devance de plusieurs longueurs les agissements anti-démocratiques de la junte birmane :

 

– Arrestation du chef de l’opposition Kem Sokha le 3 septembre 2017.

 

– Dissolution du seul parti d’opposition parlementaire, le Parti du Salut National (PSN), le 16 novembre 2017.

 

– Annulation ou confiscation de tous les sièges que le PSN avait remportés par le suffrage universel tant au niveau national (juillet 2013) que local (juin 2017).

 

– Organisation d’élections trompeuses sans le PSN en juillet 2018 permettant au parti de Hun Sen, le Parti du Peuple Cambodgien, de rafler 100% des sièges à l’Assemblée nationale et de renvoyer le Cambodge à un régime de parti unique comme avant la signature des Accords de Paris de 1991.

 

Au Cambodge comme en Birmanie, des despotes ont mis brutalement fin à une transition démocratique qui avait suscité beaucoup d’espoir. En Birmanie, par un coup d’état militaire. Au Cambodge, par un coup d‘état constitutionnel puisque tous les principes démocratiques fondamentaux inscrits dans la Constitution ont été subitement et arbitrairement jetés aux orties.

 

Si les réactions internationales après le coup de force de Hun Sen ont été tièdes et plutôt symboliques depuis 2017 jusqu’à maintenant, les récents évènements en Birmanie vont immanquablement provoquer des réactions plus fermes et plus significatives.

 

Même si le fond du problème est assez similaire dans les deux pays, les enjeux que représente la Birmanie sont beaucoup plus grands. Avec une superficie et une population beaucoup plus importantes que celles du Cambodge, le Myanmar occupe une position géographique hautement stratégique puisque le pays donne directement et largement accès à la Chine, l’Inde et l’Océan Indien.

 

Logique inacceptable du pouvoir absolu

 

La situation au Cambodge et en Birmanie  montre avant tout que la logique du pouvoir despotique en place est absolument incompatible avec toute approche de réconciliation nationale sur une base démocratique. Hun Sen comme la junte militaire birmane savent très bien qu’ils signeraient leur arrêt de mort s’ils acceptaient de réhabiliter l’opposition démocratique et de l’autoriser à participer à de vraies élections. Ils savent très bien que cette opposition démocratique unie qui incarne l’espoir de tout un peuple, est un danger politique mortel pour eux, alors qu’eux-mêmes sont généralement et irréversiblement détestés pour les abus et les brutalités qu’ils ont commis.

 

Dans ce cercle vicieux infernal il ne reste plus aux despotes des deux pays que de se cramponner au pouvoir quoi qu’il en coûte. Pour eux, pouvoir signifie impunité. S’ils perdaient le pouvoir, ils feraient face à un sort des plus incertains car ils devraient répondre des innombrables crimes qu’ils ont perpétrés ou ordonnés, depuis les assassinats, emprisonnements et tortures jusqu’aux actes de pillage des richesses nationales à travers une corruption systémique.

 

Sur le plan géopolitique les despotes des deux pays vont immanquablement se retrouver dans la même situation de dépendance à l’égard de la Chine. En effet, leur politique intérieure de répression de plus en plus dure, pour ne pas dire barbare, les conduit à un isolement international de plus en plus marqué. Le seul appui solide que ces despotes puissent trouver sur les plans politique, diplomatique, financier et militaire, ne peut venir que de la Chine qui, comme eux, ignore les principes démocratiques et les droits humains. Le premier exemple de cette isolation et de cette dépendance obligée à l’égard de la Chine est apparu il y a environ cinquante ans : il n’y avait pas de pays plus répressif, plus fermé, plus isolé et plus pro-chinois que le Cambodge sous le règne de Pol Pot (1975-1979).

 

Cette situation est encore plus vraie aujourd’hui car la Chine de Xi Jinping, pour mener sa politique de domination mondiale, a précisément besoin de s’appuyer en premier sur ce type de dirigeants autoritaires à la tête de pays pauvres et corrompus comme le Cambodge et la Birmanie.

 

Moment de vérité

 

La tension croissante en Birmanie et au Cambodge nous amène à un moment de vérité: il n’est pas possible de composer avec les régimes actuels de Naypyitaw et de Phnom Penh si l’on veut préserver deux principes démocratiques fondamentaux, à savoir le droit à l’existence d’une véritable opposition et la tenue de vraies élections.

 

Grandes nations démocratiques

 

Même si les grandes nations démocratiques décident d’esquiver la question de principe de savoir si elles acceptent ou pas de laisser mourir la démocratie en Birmanie et au Cambodge, elles ne peuvent pas, dans leur propre intérêt, laisser ces deux pays devenir des pions et des avant-postes d’une Chine expansionniste et agressive.

 

Seul un régime démocratique au Cambodge et en Birmanie peut assurer l’indépendance et la neutralité de ces deux pays. Parce que le soutien de leur peuple leur suffira comme dans toute démocratie, les dirigeants de ces deux pays n’auront pas besoin de rechercher la protection de la Chine ou celle de toute autre puissance pour préserver leur pouvoir issu du peuple. Ils sauront prouver que démocratie, indépendance, neutralité, sécurité et paix vont de pair.

 

Sam Rainsy

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