Le site East Asia Forum offre souvent des analyses de grande qualité que nous avons le plaisir de répercuter à travers la publication d’extraits. Notre ami et chroniqueur Yves Carmona a repéré ce texte sur la politique sanitaire des pays de la région. Merci !
Contrairement à la majeure partie de l’Europe ou de l’Amérique du Nord, l’Asie du Sud-Est reste essentiellement fermée aux voyages non essentiels en raison de taux de vaccination plus faibles. Il peut être nécessaire d’atteindre l’immunité collective par la vaccination pour protéger la communauté locale avant d’ouvrir aux voyageurs vaccinés, car ceux-ci présentent toujours un certain risque d’infection, même si le risque de développer des symptômes graves est beaucoup plus faible. Une ouverture prématurée à tous les voyageurs vaccinés risque d’ajouter de nouvelles souches à des systèmes de santé déjà mis à rude épreuve.
Frontières partout fermées
Les frontières restent pour la plupart fermées à Singapour, au Cambodge et en Malaisie, malgré des taux de vaccination d’environ 80 %. Pourtant, la même rigueur ne s’applique pas aux restrictions de la mobilité intérieure, qui ont tendance à diminuer dans la plupart des pays malgré les épidémies communautaires en cours. La Malaisie a assoupli ses restrictions intérieures bien qu’elle ait toujours eu l’un des taux d’infection les plus élevés du monde, sur une base ajustée à la population. Manille a mis fin à un confinement national le jour même où, en août, les infections quotidiennes ont atteint un nouveau record. Le fait que les systèmes de santé des deux pays soient mis à rude épreuve n’a pas empêché l’assouplissement des restrictions nationales.
Ce comportement apparemment contradictoire s’explique par la lassitude face aux mesures de confinement et par la nécessité d’équilibrer la santé et l’économie, compte tenu notamment de la diminution de la marge de manœuvre budgétaire dans de nombreux pays. Mais une fois l’équilibre trouvé entre santé et économie, il existe différentes combinaisons de restrictions intérieures et frontalières susceptibles de produire les résultats économiques souhaités.
Approche insoutenable
Jusqu’à présent, la plupart des actions de soutien à l’économie se sont concentrées sur l’assouplissement des restrictions intérieures. Les restrictions frontalières n’ont pratiquement pas été prises en compte dans les calculs. Les frontières devant rester pratiquement fermées, l’impératif économique a exigé un tel assouplissement au niveau national que les risques sanitaires ont fortement augmenté, comme en témoigne la montée en flèche des taux d’infection. Si cette approche déséquilibrée était auparavant sous-optimale, elle devient insoutenable.
Les mesures frontalières ne sont rentables que si elles empêchent les nouvelles variantes d’entrer. Maintenant que le variant Delta a pris son essor, les cas importés ne représentent qu’une petite fraction du total des infections. Étant donné qu’il est difficile de déterminer, à partir du seul séquençage génétique, si les nouveaux variants sont plus transmissibles, l’alerte n’est donnée que lorsqu’ils apparaissent en grand nombre à l’origine, et qu’il est alors trop tard pour que les mesures frontalières empêchent leur propagation.
Compromis santé-économie
Lorsque le nombre de cas importés ne représente qu’une petite fraction des cas communautaires, la valeur des restrictions frontalières par rapport aux mesures nationales pour limiter la propagation d’une variante hautement transmissible commence à diminuer fortement. Cela suggère qu’il serait bénéfique de déplacer l’accent mis sur les restrictions aux frontières vers les restrictions nationales, pour tout compromis santé-économie donné.
Une telle réorientation permettrait de mieux prendre en compte les considérations économiques tout en offrant la meilleure possibilité de contenir la propagation communautaire. Le recalibrage ne doit pas aller trop loin dans la restriction de la mobilité intérieure, sous peine de décourager les arrivées d’étrangers. La plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont trouvé cet équilibre et ont supprimé la quarantaine, mais pas les tests, pour les voyageurs vaccinés provenant de pays où les taux d’infection sont faibles. Il est temps que les pays d’Asie du Sud-Est disposant d’une capacité suffisante en matière de soins de santé commencent à prévoir la même chose tout en intensifiant leurs efforts de vaccination.