Le quotidien conservateur français a publié le 23 octobre un long reportage sur la situation politique au Cambodge, trente ans après les accords de paix de Paris d’octobre 1991. Nous en publions des extraits. Vous pouvez retrouver l’intégralité de cet article ici.
Nous publions ici des extraits du reportage du Figaro, dont nous vous recommandons la lecture
Sous le soleil de plomb annonçant la fin de la saison des pluies, le monument de marbre et de béton se dresse, seul, au milieu d’une esplanade minérale quasi déserte. Posé sur un piédestal, son pic de 54 mètres de haut pointe vers le ciel tel un obélisque. À son pied, une structure carrée et des bas-reliefs taillés dans le béton encadrent l’édifice, rappelant l’architecture et les ornements des temples d’Angkor, véritable fierté cambodgienne, situés à plusieurs centaines de kilomètres de là. Mais à la différence des récits épiques de l’apogée de l’empire khmer, ces bas-reliefs racontent une histoire de réconciliation et de paix.
Win-Win Monument
Nous sommes au pied du Win-Win Monument, le monument « gagnant-gagnant », du nom qu’a donné le premier ministre Hun Sen à son propre héritage politique. Inauguré fin 2018 dans la banlieue nord de Phnom Penh, la capitale cambodgienne, il symbolise le processus de paix dans lequel s’est engagé le royaume au début des années 1990. Sur les bas-reliefs, une fresque un peu grossière retient l’attention: on y voit Hun Sen, le prince Norodom Sihanouk et le ministre des Affaires étrangères d’alors, Roland Dumas. Tout sourire, les trois hommes se serrent la main: ils viennent de signer les accords de Paris sur le Cambodge.
Le 23 octobre 1991, une nouvelle ère s’ouvrait
Il y a exactement trente ans, le 23 octobre 1991, une nouvelle ère s’ouvrait pour le royaume khmer. Celle de la réconciliation nationale, après vingt ans de guerres civiles sanglantes au cours desquelles se sont affrontées plusieurs factions armées. La plus connue d’entre elles, les Khmers rouges, est restée tristement célèbre pour avoir exterminé 1,7 million de Cambodgiens, soit près du quart de la population de l’époque, entre 1975 et 1979. Mais ce jour-là, au centre des conférences internationales de l’avenue Kléber, à Paris, l’heure est à la paix. Sous l’égide de l’ONU, 18 pays, dont la France, et les quatre factions cambodgiennes ennemies (l’État cambodgien représenté par Hun Sen ; les Khmers rouges incarnés par Khieu Samphan ; les royalistes du Funcinpec avec Norodom Sihanouk et son fils Ranariddh ; et les républicains du FNLPK en la personne de Son Sann) s’entendent pour «restaurer la paix» et faire du Cambodge une «démocratie libérale, fondée sur le pluralisme» protégeant «les droits de l’homme». Un programme ambitieux, reflet de son temps. (…)
Des Rolls-Royce à côté de gargotes
En trente ans, le Cambodge s’est métamorphosé. Le gouvernement de transition prévu par les accords a rédigé une Constitution puis tenu de premières élections en 1993. Cinq ans plus tard, à la mort du «frère numéro un», Pol Pot, les derniers Khmers rouges déposent les armes. La paix retrouvée permet au Cambodge de renouer avec le développement. Bien que de fortes disparités subsistent, les progrès réalisés sont prodigieux. Depuis le début des années 2000, le royaume enregistre une croissance économique annuelle de 7 % en moyenne. La proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (1,9 $ par jour) est passée de 47,8 % en 2007 à 13,5 % en 2014. Quant à l’espérance de vie à la naissance, elle s’est allongée de 10 ans, pour atteindre 69 ans en 2019. Au-delà des chiffres, c’est dans les rues de Phnom Penh que le contraste est le plus marquant. Les allées en terre battue, le plus souvent défoncées, des années 1990 ont laissé place à de grands boulevards goudronnés, aux abords desquels les tours poussent comme des champignons. Signe de l’enrichissement, permis par le développement, et des inégalités grandissantes, il n’est pas rare d’y croiser des Rolls-Royce ou des Bentley à côté de gargotes de rue brinquebalantes. ….