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JAPON – GÉOPOLITIQUE : Qu’y a-t-il de commun entre le Japon et la France ?

Journaliste : Yves Carmona
La source : Gavroche
Date de publication : 17/01/2022
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Japon - Nara

 

Notre chroniqueur Yves Carmona, ancien ambassadeur de France au Laos et au Népal, est un grand connaisseur de l’archipel dont il parle la langue. L’idée lui est venue de se lancer dans une comparaison. De quoi confirmer le rôle de trait d’union géopolitique qu’entend jouer Gavroche !

 

Qu’y a-t-il de commun entre le Japon et la France ?

 

Comparer le Japon et la France, c’est un poncif pour ceux qui connaissent un peu les deux pays comme l’auteur de ces lignes, mais pour ceux qui n’ont pas eu cette chance ?

 

En France, on ne parle à peu près jamais du Japon, sauf quand ont lieu les Jeux Olympiques ou une catastrophe comme celle de Fukushima il y a dix ans, quitte à voir paniquer et s’enfuir des artistes qui confondent la centrale nucléaire détruite par un tsunami particulièrement violent et Hiroshima : ils ont vu le nuage les tuer alors que plusieurs centaines de km les en séparaient. D’ailleurs, on aime employer des mots japonais signifiant un événement terrifiant  comme le « tsunami », quitte à l’utiliser de manière erronée puisque ce mot désigne les conséquences d’un tremblement de terre comme on n’en a pas vu en Europe depuis Santorin il y a au moins 3 000 ans…

 

Le Japon est partout

 

Pourtant, le Japon est partout : les traductions de mangas, la littérature, les musiciens, le théâtre classique mais aussi moderne bref, tout ce qui exprime, quitte à confondre ici Japonais, Coréens et Chinois – on ne parle que d’1,6 Millards de personnes, à peine plus que Bretons et Auvergnats. Il est vrai, comme le disait en ma présence une journaliste, qu’une petite semaine suffisait pour ce qu’il y avait à y voir…

 

De quel Japon parle-t-on ?

 

Mais alors, comment comprendre un tel paradoxe entre engouement et superficialité ? Qu’on me pardonne, il faut commencer par l’étudier, et si possible apprendre à écrire sa difficile langue, ce qui est quasi impossible si on n’est pas né dans l’archipel.

 

Il y a bien sûr, comme dans tout pays un peu vaste, le contraste capitale-province mais dans le cas du Japon il ne se traduit pas complètement par un contraste ville-campagne car bien souvent, la campagne est dans la ville à condition de la voir au ras du sol et ne pas rester sur l’autoroute, au 5ème étage des immeubles d’habitation, qui permet d’aller plus vite.

 

Sans doute plus qu’ailleurs, chacun construit-il dans son imagination « son » Japon, reflet de son histoire et de ses goûts, imprévisible et mécanique comme dans le film « Lost in translation » ou tendre et familier comme dans ce roman porté à l’écran en 2015 : « Les délices de Tokyo » où une vieille dame vend aux écoliers des « dorayaki », petits gâteaux grillés, pour arrondir une retraite insuffisante.

 

C’est qu’il faut y tenir compte du temps, celui de l’histoire comme celui des personnes. Quelques exemples :

 

Rapprochements…

 

« Le dit du Genji » a été écrit par une femme, or n’est-ce pas aujourd’hui que l’écriture de femmes devient courante en France, davantage semble-t-il en littérature que dans les rapports scientifiques ? Pourtant, l’ordre chronologique  n’est pas le même entre ce roman, écrit pour la première fois autour de l’an Mil et qui fait figure au Japon de classique, et un Moyen Age plus tardif en France.

 

De même, les beuveries du Japon actuel rappellent celles de l’époque Heian (710-794).

 

Le thé apparu à l’époque Kamakura, qui se termine en 1333 et la rigueur accentuée au cours de l’époque Edo (1603-1867) ne constituent-ils pas des invariants malgré les siècles qui nous séparent de ces phénomènes socio-politiques ?

 

Ministre de l’éducation de 1886 à son assassinat en 1889, Mori Arinori établit un étroit contrôle sur les manuels scolaires. N’ a -t-il pas été inspiré par Jules Ferry, ministre de l’instruction publique de 1879 à 1883, qui a tenté de mettre en œuvre une centralisation sans nuances du système éducatif ? L’un comme l’autre ne sont pas restés ministres longtemps et cela ne leur a pas permis de mettre en place les réformes durables qu’ils souhaitaient. Le second a directement participé à l’aventure coloniale, le premier lui a préparé le terrain.

 

Plus près de nous, l’écrivain Mori Ogai, qui après avoir été médecin militaire  a préféré devenir auteur, au tournant du 20ème siècle, ne nous fait-il pas penser à ce libraire français contemporain qui a étudié la médecine avant de lire des livres ?

 

A travers ces rapprochements, on s’aperçoit que Japon et France se ressemblent plus qu’on ne l’avait soupçonné.

 

Passons sur la gastronomie-fusion qui échange de plus en plus les saveurs et les textures.

 

Mais comment ne pas voir qu’avec quelques décennies de décalage, les dirigeants de part et d’autre, Empereurs nominalement mais en fait shogun et Rois de France s’appuyant le plus souvent sur leurs ministres ont à 10 000 km de distance appliqué avec méthode et la même brutalité une politique de domestication des grands féodaux au profit du souverain et de sa capitale ? Et que cette politique, à travers les vicissitudes de l’histoire, a façonné de la même manière deux pays de plus en plus centralistes jusqu’à aujourd’hui ?

 

N’allongeons pas la liste ;  le Japon n’a-t-il pas ses « Girondins », représentants du « Ura Nihon » ( le Japon de l’arrière), campagnard alors que les villes n’ont cessé de se développer et qu’en France les Montagnards ont gagné, près de deux siècles plus tard la même victoire que l’Est japonais urbanisé sur l’Ouest rural à Sekigahara en 1600 ?

 

… mais aussi divergences

 

Cela dit, les différences sont patentes, qu’il s’agisse de la condition féminine ou de l’attitude à l’égard de l’immigration qui restent arriérées au Japon alors qu’elles ont progressé en France ou quand les dirigeants du Japon d’il y a trois siècles l’ont presque complètement fermé par la politique de « sakoku » (isolement) alors que la France a toujours été une terre de mélange – c’est plus facile de boucler quelques îles qu’un continent. A l’heure où un si grand nombre nombre de députés français sont victimes de menaces de mort qu’il faut leur assurer une protection policière, penser à sa sécurité, n’est-ce pas une préoccupation primordiale ?

 

Comparaison hasardeuses.

 

C’est vrai, « comparaison n’est pas raison » et des Historiens trouveront ces rapprochements abusifs, mais il faut parfois oser sortir  des sentiers battus.

 

Mais la France ne peut plus ignorer le Japon.

 

On est certes encore en janvier, pourtant il n’est pas trop tôt pour évoquer le renouveau :  un Président de la république française, le premier de son espèce,  s’est senti obligé de lire assez bien quelques mots en langue japonaise car la plus grande rapidité du voyage – on va plus vite que du temps de l’auteur de ces lignes et la génération de ses parents passait jusqu’à un mois en mer – et surtout l’immédiateté des  télécommunications permettent aujourd’hui à un message d’être diffusé instantanément partout. Il est donc utile à l’image dudit Président de montrer qu’il est capable de parler plusieurs langues.

 

Faire un voeu pour 2022 est encore admis alors formulons celui-ci : que le Japon s’ouvre enfin définitivement sans prendre prétexte d’une maladie mondiale !

 

Yves Carmona

2 Commentaires

  1. Le livre R Guillain, également correspondant du journal “le monde” sur le Japon, date de 1969. Les livres de Guillain sont désormais des livres d’histoire, certes …. contemporaine. A moins que ce soit celui sur les geishas, 1988

  2. Pour me faire une idée du Japon je préfère m’en remettre à ce qu’écrivait dans le temps Robert Guillain… même si le temps est passé par là…

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