Les habitants des campagnes du Nord-Est de la Thaïlande, du Laos, du Cambodge et Nord Vietnam paient un lourd tribut aux maladies parasitaires provoquées par l’indigestion de poissons d’eau douce fermentés, crus ou marinés, malgré la simplicité de la prévention et de la disponibilité de traitements efficaces et peu coûteux.
Les deux douves principales sévissant en Asie du Sud-Est sont des vers plats de quelques millimètres de longueur, connus sous les noms scientifiques de Opisthorchis viverrini et Clonorchis sinensis, ce dernier encore appelé douve de Chine. Les parasites causent des maladies nommées distomatoses du foie et des voies biliaires.
Ces vers ont un cycle de développement particulier qui nécessite deux hôtes intermédiaires : vivant dans les canaux biliaires de mammifères, les adultes pondent des milliers d’œufs qui s’acheminent dans l’intestin par la bile, puis sont éliminés dans le milieu naturel par les selles.
Le premier hôte intermédiaire est un escargot aquatique : après éclosion des œufs (soit dans l’eau pour Opisthorchis viverrini, soit dans le corps du mollusque après ingestion par celui-ci pour Clonorchis sinensis), les larves qui en résultent vont se développer initialement à l’intérieur du mollusque.
Arrivée à terme après quelques jours, le parasite désormais très mobile sort du corps de l’escargot et pénètre sous les écailles ou dans la chair de nombreuses espèces de poissons d’eau douce (deuxième hôte intermédiaire) pour s’y enkyster.
Le cycle ne peut évoluer que si le poisson est consommé cru par un mammifère piscivore (hôte définitif) comme les chats, rongeurs, chiens et bien sûr l’homme.
Après absorption, le kyste s’ouvre dans l’intestin de l’hôte définitif et libère le jeune ver qui remonte à contre-courant dans les canaux biliaires et du foie pour s’y implanter et pondre ses œufs. Le cycle est ainsi bouclé. Les douves peuvent vivre plus de 20 ans et libérer des milliers d’œufs chaque jour dans la nature.
Dans les régions rurales de ces pays asiatiques où les plats traditionnels à base de poisson cru sont fortement consommés, la fréquence d’infestation peut ainsi atteindre près de 100% de la population.
Les symptômes vont dépendre du degré et de la pérennisation de l’infection. Lors d’une faible contamination, le patient se plaint de troubles digestifs relativement modérés incluant nausées, vomissements, difficultés à digérer, fièvre, réactions allergiques et douleurs abdominales. Cette symptomatologie en apparence banale explique partiellement le manque cruel de lutte sérieuse contre ces parasitoses.
Sans traitement, la maladie peut conduire, après des mois ou des années, à des calculs ou une infection des voies biliaires, voire une obstruction de l’élimination de la bile nécessitant un traitement urgent, parfois chirurgical pour extirper les douves.
Mais la plus importante complication est la conséquence à long terme de l’inflammation chronique des voies biliaires qui induit le développement d’un cancer de la vésicule biliaire, le cholangiocarcinome, de pronostic aussi sombre que le cancer du foie.
Ces distomatoses du foie ont ainsi été classées en 2009 comme affections parasitaires hautement cancérigènes par l’Agence internationale de la Recherche sur le Cancer (IARC).
Le traitement principal des distomatoses est l’administration de médicaments « vermifuges » bien connus, comme le Praziquantel ou l’Albendazole. Les complications, si elles existent, seront traitées de manière spécifique.
La prévention – arrêt total de la consommation de poissons crus ou insuffisamment cuits – est d’une simplicité absolue mais se heurte, dans ces provinces rurales à risque, à un manque d’éducation sanitaire de masse ainsi qu’aux habitudes alimentaires traditionnelles où le poisson d’eau douce reste le principal apport en protéines animales.
Les parasites enkystés peuvent rester plusieurs semaines dans le poisson séché et plusieurs heures ou jours dans les saumures ou les salaisons.
Ils sont par contre détruits à la cuisson dès 70°C, ou après cinq jours de congélation à -10°C. Les expatriés et touristes aventureux doivent être parfaitement informés de l’existence de ces parasitoses.
Dr. Gérard Lalande
Directeur de CEO-HEALTH
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