Près de 10.000 personnes se sont suicidées en Thaïlande, en 2016. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le Royaume affiche un taux de suicides de 14,4 pour 100.000 habitants, au-dessus de la moyenne des autres pays de l’Asie du sud-est. Les causes sont multiples et le diagnostic doit être nuancé. Mais toutes les enquêtes concordent: le rythme effréné imposé par l’urbanisation et les bouleversements technologiques ou culturels, en particulier à Bangkok, font d’énormes dégâts.
Un homme de 38 ans a été retrouvé mort dans son pick-up lundi 10 septembre, à Bangkok. Les indices recueillis laissent supposer qu’il a mis fin à ses jours. Interrogée par la police, sa famille a confirmé que l’homme était dépressif suite à des difficultés financières. Quelques jours au préalable, toujours à Bangkok, une femme d’affaires, ancien mannequin et modèle, s’était jetée dans le vide depuis son appartement après avoir consommé des substances mortelles.
Ces deux drames, relatés dans les médias thaïlandais, sont devenus presque ordinaires. Ils interpellent car ils s’inscrivent dans une réalité malheureusement quotidienne. Selon le Mental Health Department, 4.131 personnes se sont suicidées en 2016 dans le Royaume, soit un taux se situant autour de 6,3 pour 100.000 habitants. Le département de santé mentale estime, en outre, que le nombre de tentatives de suicide annuel dépasse les 53.000 par an, soit 6 tentatives, toutes les heures. Selon les données récentes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la situation serait plus dramatique encore. Pour l’OMS, la Thaïlande affiche, pour 2016, un taux de suicides de 14,4 pour 100.000 habitants, ce qui est supérieur à la moyenne de l’Asie du Sud-Est (13,2). À titre de comparaison, le taux est de 3,4 en Indonésie, de 7,8 au Myanmar ou de 16,3 pour l’Inde. A titre de comparaison, la moyenne européenne est de 15,4 et la France, triste leader européen en la matière, enregistre un taux de 17,7 pour 100.000 personnes.
Diverses causes sont avancées pour expliquer ces « passages à l’acte ». Comme partout dans le monde, la palette des éléments déclenchants est large : maladie, déception sentimentale, toxicomanie, alcoolisme, difficultés financières… Dans une interview accordée au site d’information Khaosod, Boonreung Traireungworarat, le responsable du « Mental Health Department », pointe aussi l’isolement des personnes souffrant de problèmes psychologiques qui hésitent à demander de l’aide afin de ne pas être socialement stigmatisées. Le directeur pointe surtout du doigt l’évolution du mode vie « préoccupant » des Thaïlandais vivant dans les zones urbaines, qui doivent composer avec un stress et une pression qui deviennent, parfois, ingérables. Or, plus de la moitié de la population du pays (env. 52%) vit aujourd’hui en « ville » contre 20 % il y a 50 ans. A elle seule, la capitale « réunit » aujourd’hui près de 15% de la population du Royaume.
Les autorités thaïlandaises sont loin d’être insensibles à cette progression du nombre de suicides. Elles ont pris des mesures pour prévenir les risques, accompagner et soigner les personnes fragiles. Nattakorn Jampathong du Centre de Prévention du Suicide a toutefois nuancé cette mobilisation gouvernementale et administrative face aux journalistes de Khaosod: il importe surtout, selon lui, de retisser du lien social : « prendre soin des autres et leur demander régulièrement ce qui va ou ne va pas dans leur vie, les écouter avec attention et leur donner des conseils, est quelque chose que tout le monde peut faire pour aider des personnes à sortir de leur tristesse ». Le fameux sourire thaï laisse de plus en plus souvent place aux larmes.
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Fabrice Barbian
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