En dépit des promesses répétées par la junte militaire d’éradiquer le fléau de la corruption, la Thaïlande peine à afficher des résultats convaincants. Les « gratifications » versées dans le secteur public s’élèveraient à cent milliards de bahts.
Les chiffres font mal à l’image d’un Royaume connu pour la qualité de son accueil et résolu à apparaitre comme un pays émergent efficace et moderne, ouvert aux investissements étrangers.
Pour la seule année fiscale 2018, entre cinquante et cent milliards de bahts auraient été dépensés en «pots de vin» en Thaïlande selon le quotidien The Nation.
Le journal cite à l’appui les propos du Dr Sungsidh Piriyarangsan, professeur associé à l’université de Rangsit et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.
L’universitaire s’est exprimé à l’occasion d’un colloque organisé à Nonthaburi, où il a présenté les conclusions de 14 études menées par la Commission anti-corruption dans le secteur public.
Dans son enquête portant sur une agence nationale de lutte contre le trafic de stupéfiants, Sungsidh a ainsi relevé des « irrégularités » dont le montant oscille entre deux et dix milliards de bahts sur l’année écoulée.
Plus grave : l’intéressé prédit une aggravation du phénomène dans les années à venir, alors que le retour prochain é des élections démocratiques est prévu.
Parmi les causes invoquées, Sungsidh évoque l’impossibilité d’appliquer efficacement les lois anti-corruption, quand bien même le Royaume ne cesse de renforcer son appareil législatif en la matière.
Ce triste bilan, révélateur des dessous de l’économie Thaïlandaise, est conforté par un autre chiffre : celui des lois en vigueur. L’agence d’information Reuters rappelle ainsi que depuis 2014, 298 lois ont été votées pour moderniser l’administration du Royaume.
L’un des derniers textes législatifs adoptés en aout dernier permet, par exemple de condamner une entité juridique étrangère coupable d’avoir corrompu des intermédiaires locaux.
Cette réalité que les gouvernements successifs promettent de changer est perçue comme irrémédiable par beaucoup de Thaïlandais.
Selon un sondage rendu public en mars, 56% des Thaïlandais jugent « impossible » l’éradication de la corruption.
Les «gratifications» restent de mise dans tous les secteurs, au-delà des domaines bien connus du bâtiment ou des infrastructures. Dans son édition du 20 septembre, The Nation a ainsi révélé un nouveau scandale où des associations en charge d’aider des personnes handicapées sont accusées d’avoir détourné des sommes d’un montant d’1,5 milliard de bahts.
Selon l’index de Transparency International publié en 2017, la Thaïlande occupe la 5e place dans l’Asean dans le classement des pays les plus corrompus juste avant le Laos et le Cambodge.
L’exemple de Singapour, souvent cité, est encore très loin d’être atteint malgré les promesses de la junte militaire au pouvoir depuis 2014.
Les autorités Thaïlandaises ont prévu une mobilisation anti-corruption le 29 septembre prochain.
Difficile, toutefois, de croire qu’une journée officielle et des discours changeront réellement cette donne qui n’empêche pas les investisseurs et les bailleurs de fond internationaux de saluer régulièrement la stabilité économique du Royaume, et la modernisation de ses institutions.
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Thibaud Mougin
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