Gavroche relaie les articles les plus marquants de la presse française internationale sur l’Asie du Sud-Est. Coup de chapeau ici au correspondant du Monde dans la région, Brice Pedroletti. Il vient de publier dans le quotidien du soir le reportage suivant , dont nous vous recommandons la lecture sur le site lemonde.fr : Dans les bidonvilles de Manille, entre galère et culte de l’homme fort
Un reportage de Brice Pedroletti à retrouver sur lemonde.fr (Extraits)
Les quartiers pauvres de la capitale des Philippines, cibles principales de la « guerre contre la drogue » meurtrière du président sortant, Rodrigo Duterte, ont soutenu la candidature de « Bongbong » Marcos aux élections du 9 mai.
C’est une bande de terre entre la rue et la voie ferrée, dans le centre de Manille. Quatorze membres d’une même famille vivent là, dans plusieurs pièces rectangulaires, faites de planches en contreplaqué et de toiles tendues entre des tubes. De la tragédie d’il y a bientôt six ans, le 20 septembre 2016, quand le fils de 37 ans a été tué en pleine nuit par des policiers en civil, dans la cabane qui servait de magasin, ils ont gardé la méfiance, et la peur : « Pas de noms, ou ils reviendraient nous trouver », demandent-ils.
Le fils louait des consoles de jeux aux gamins. C’était un usager occasionnel de drogue, appelé ici le shabu (méthamphétamine). « Pas un revendeur, précise le père, 74 ans, polo vert, chaîne en argent. Ils sont entrés et ont tiré sur lui. » Cette nuit-là, selon la famille, les lampadaires étaient éteints, et aucune des caméras de sécurité du « barangay », la plus petite subdivision administrative du pays, à l’échelle du quartier, ne fonctionnait. Et puis, il n’était pas initialement sur la « liste des suspects » tenue par chaque barangay lors de la « guerre contre la drogue », proclamée par le président Rodrigo Duterte à son entrée en fonction, en juin 2016. « On l’y a mis après sa mort », affirme le père.
Le gouvernement philippin reconnaît officiellement, au total, 6 117 morts intervenues lors d’opérations policières, le plus souvent des cas présumés de nanlaban, un « combat armé » avec le suspect.
Au moins trois fois plus de victimes, en incluant celles d’exécutions extrajudiciaires par des inconnus, sont évoquées par les ONG et la Cour pénale internationale (CPI), dont la procureure alors en fonction, Fatou Bensouda, a autorisé l’ouverture d’une enquête, en juin 2021, malgré le retrait du pays de l’instance en 2019.
« Peut-être qu’avec Marcos on obtiendra justice »
Les parents avaient quitté Manille neuf ans plus tôt pour la province de Laguna, au sud-est de la capitale. Le fils leur envoyait de l’argent. Depuis sa mort, ils sont revenus occuper ce terrain appartenant à la compagnie publique de chemin de fer. « On n’attend rien. Il n’y a jamais eu d’enquête. On n’a jamais porté plainte. Et ce n’est pas le moment », souffle la sœur du défunt.
Car « Bongbong » Marcos, dit « BBM », donné vainqueur de l’élection du 9 mai et fils de l’ancien dictateur Ferdinand Marcos (1965-1986), a été élu en faisant équipe avec la fille du président sortant, Sara Duterte, comme vice-présidente. Les résultats officiels, contestés en raison du dysfonctionnement de machines à compter les votes, sont attendus fin mai. « Bongbong » Marcos avait déjà prévenu, en janvier, que s’il autorisait un jour les enquêteurs de la CPI à venir aux Philippines, ce serait « comme touristes ». L’enquête de la CPI a, en fait, été suspendue « temporairement », dès novembre 2021, car Manille fait valoir que sa propre justice a ouvert des procédures.
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