Nous reproduisons ici un article du site d’information helvétique Blick.ch/fr dont nous vous recommandons la lecture.
L’évocation de son nom est désormais une arme de collision massive entre les Etats-Unis et la Chine. Depuis qu’elle a confirmé, avant de s’envoler samedi pour une visite en Extrême-Orient, qu’elle pourrait bien se rendre à Taïwan, Nancy Pelosi donne des sueurs froides au Pentagone.
La présidente californienne de la Chambre des Représentants, née en 1940, n’a pourtant rien d’une va-t-en-guerre, résolue à affronter les autorités de Pékin pour lesquelles l’ex-Formose fait partie intégrante de la République populaire. Mais le calendrier a ses lois et elles sont implacables. Au mois de novembre, le vingtième congrès du Parti communiste chinois se tiendra à Pékin, et celui-ci devrait reconduire pour cinq ans de pouvoir supplémentaire son actuel secrétaire général Xi Jinping, également chef de l’État. Pour Pékin, le moment est dès lors parfait pour faire monter la tension sur le détroit le plus explosif au monde. Et tester ainsi, grandeur nature, la détermination de Washington à protéger coûte que coûte la jeune démocratie taïwanaise.
Nancy Pelosi et le mystère Taïwan
Le calendrier vaut aussi pour Nancy Pelosi. Malgré son âge, et alors que les sondages prédisent une très rude bataille électorale pour les élections de mid-term entre Démocrates et Républicains, le 8 novembre prochain, la représentante du douzième district de Californie a annoncé ces jours-ci qu’elle se représentera pour un nouveau mandat.
Or, quoi de mieux qu’un coup d’éclat, à Taïpei, pour celle qui doit normalement se rendre à Singapour, en Malaisie, au Japon et en Corée du Sud? Le fait que le président chinois Xi Jinping ait décroché son téléphone, jeudi 28 juillet, pour mettre en garde son homologue Joe Biden contre «toute ingérence dans les relations entre Pékin et l’île», affirmant que «ceux qui jouent avec le feu finissent par se brûler», n’a pas calmé le jeu. Au contraire. Joe Biden n’avait-il pas lui même, en octobre dernier, affirmé que les États-Unis sont résolus à défendre militairement l’île de 23 millions d’habitants, en cas d’attaque par la Chine? Une posture réitérée depuis à deux reprises.
Un mois d’août idéal pour un bras de fer militaire
Et le mois d’août dans tout ça? Idéal pour un bras de fer militaire s’inquiètent les experts. Samedi, l’État chinois a annoncé un important exercice militaire à munitions réelles face aux côtes Taïwanaises. Dans la foulée, l’état d’alerte a été décrété sur l’île qui, depuis la révolution populaire chinoise de 1949, redoute à tout moment d’être submergée par les assauts venus du continent. Coïncidence qui n’en est sans doute pas une: l’avertissement chinois est intervenu au moment où s’achevait, à Taïwan, l’exercice militaire annuel «Han Kuang». Depuis 1984, celui-ci implique toutes les branches de l’armée taïwanaise, y compris ses forces de réserve.
Le «porc-épic» Taïwanais
Sur le papier, cette période est celle des plus fortes chaleurs de l’année, de la mousson et des typhons en mer de Chine. Mais compte tenu de la guerre en Ukraine, de la fragilité politique de l’administration Biden et de l’inquiétude engendrée en Asie orientale par la crise énergétique mondiale, Pékin peut espérer profiter d’un effet de surprise en poussant le bouchon militaire plus loin que d’habitude. Bill Burns, le directeur de la CIA, l’a lui-même admis la semaine dernière: «si une invasion chinoise n’est pas imminente, les risques sont bien plus grands qu’auparavant». Idem pour le New York Times, qui écrit: «Les responsables américains tirent les leçons de l’armement de l’Ukraine pour travailler avec Taïwan à la création d’une force plus puissante qui pourrait repousser une invasion maritime de la Chine, dont l’armée est l’une des plus puissantes au monde. L’objectif est de transformer Taïwan en ce que certains responsables appellent un ‘porc-épic’ – un territoire hérissé d’armements et d’autres formes de soutien de la part des États-Unis, qui semble trop douloureux pour être attaqué.»
«Porc-épic» taïwanais, audace politique californienne de Nancy Pelosi et volonté de Xi Jinping de ne pas laisser Washington afficher sa détermination aux portes de la Chine: le mois d’août pourrait bien présenter, sur l’île nationaliste chinoise, tous les ingrédients d’un possible typhon militaire et diplomatique.