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THAÏLANDE – POLITIQUE :  Huit années de pouvoir et toujours le même adversaire N°1 pour Prayuth

Journaliste : Philippe Bergues Date de publication : 12/08/2022
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prayut motion de censure Thaïlande

 

Une analyse de Philippe Bergues.

 

Ces derniers jours, la question de la durée du mandat du premier ministre thaïlandais Prayut Chan-Ocha comme chef de gouvernement fait grandement débat en Thaïlande, que ce soit auprès des politiques, des journalistes et des experts. Alors que la date constitutionnelle du 24 août approche pour que Prayut Chan-ocha mette fin à son mandat de Premier ministre, les interrogations abondent pour savoir si l’ancien chef de la junte peut légalement prolonger son poste pour un troisième mandat sans précédent. La constitution de 2017 que Prayut a lui-même rédigée après avoir réussi à organiser un coup d’État militaire en 2014 pour renverser le gouvernement démocratiquement élu de Yingluck Shinawatra limite en effet la durée du mandat de premier ministre à deux mandats consécutifs. Mais après avoir survécu à de nombreuses tentatives de le déloger par le biais de débats parlementaires de censure et de révoltes au sein de sa coalition au pouvoir, il ne semble pas d’humeur à renoncer à son poste. Prayut se voit toujours comme la seule solution pour résoudre les problèmes de la nation et s’imagine déjà ferrailler avec le clan Thaksin qu’il perçoit toujours comme l’ennemi juré.

 

La justice, alliée du pouvoir

 

Au cours de ses huit années au pouvoir, Prayut et l’armée ont eu recours à plusieurs reprises aux tribunaux pour étouffer les mouvements de jeunesse populaires pro-démocratie, pour interdire le Future Forward Party de Thanatorn et pour limiter l’attrait de l’opposition Pheu Thai. Malgré une popularité en nette baisse depuis la crise sanitaire, Prayut ne devrait pas céder son pouvoir de sitôt. Comme il a rédigé sa propre constitution, il peut également y apporter des modifications pour lui permettre de prolonger son mandat ou de saisir la cour constitutionnelle, qui lui est subordonnée, pour qu’elle tranche en sa faveur. Si de nouvelles élections générales doivent être organisées au printemps prochain ou avant, si dissolution, il peut toujours compter sur le soutien de ses 250 sénateurs triés sur le volet et manipuler les députés en leur offrant des cadeaux en espèces et d’autres incitations pour qu’ils le ramènent au pouvoir. Les réseaux sociaux thaïlandais ont avancé que des sources sous couvert d’anonymat certifiaient « que le soutien des députés à Prayut lors du débat de censure s’était monnayé à 100 000 bahts par tête », chiffre que d’autres « estiment en dessous de la réalité ».

 

Le palais Royal, suprême arbitre

 

Quoi qu’il en soit, les prochaines élections générales ne seront pas une promenade de santé pour le Palang Pracharat et Prayut avec un Pheu Thai qui pense et souhaite écraser tout sur son passage pour obtenir une majorité à la Chambre basse d’autant que le Move Forward, en tant que force d’appui, s’est durablement installé dans le paysage politique. Mais la Thaïlande étant une monarchie constitutionnelle, le roi joue souvent un rôle important, voire décisif, dans le choix du Premier ministre voire d’autres hauts fonctionnaires. Depuis la transformation d’une monarchie absolue en monarchie constitutionnelle en 1932, la politique thaïlandaise a été dominée par trois forces – la monarchie, les généraux et le peuple. La monarchie et l’armée ont été les forces dominantes jusqu’à l’avènement de Thaksin en 2001 après la nette victoire de son parti, le Thai Rak Thai. Grâce à une politique en faveur des plus défavorisés ainsi que des mesures populistes, Thaksin s’est triomphalement fait réélire en 2005 mais cette victoire n’a pas bien été accueillie par le Palais, ce qui a conduit les militaires au coup d’État du 19 septembre 2006 appuyé par l’institution. Et quand en 2011, Yingluck a incarné la revanche de la famille par son succès électoral, le même processus, soutenu par le Palais, a installé la junte de Prayut au pouvoir en 2014. On constate donc, que tout Premier ministre n’ayant pas les faveurs du Palais peut être renversé, qu’il soit civil ou militaire, comme en 1992 avec le général Suchinda Krapayoon où l’autorité morale du roi Bhumibol l’avait fait jouer un rôle de médiateur politique entre le commandant des forces armées et l’opposant d’alors, Chamlong Srimuang.

 

Quelle sera la position du Palais face à cette longévité de Prayut ? Le premier ministre a jusque-là  tout fait pour protéger la monarchie, y compris en réactivant l’utilisation de l’article 112 du code pénal dit du crime de lèse-majesté contre les réformistes contestataires. Les enjeux économiques et sociaux, après huit ans de pouvoir ininterrompus, peuvent en revanche plaider pour une relève. Y compris aux yeux du monarque.

 

Philippe Bergues

1 COMMENTAIRE

  1. “la justice, alliée du pouvoir”; “la monarchie, arbitre suprême”: en effet, par définition, “le roi est source de toute justice”, et, comme le dit très bien, en France, la constitution du 4 octobre 1958, “le Président assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics”. La Thaïlande bénéficie d’un régime politique équilibré, avec un roi qui lutte contre la corruption, qui nomme un 1er ministre intègre, et qui finalement assure à son pays la paix et la prospérité. Peu de pays au monde peuvent en dire autant.

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