2000 morts, environ 5000 disparus en Indonésie : tel est toujours le bilan du tsunami survenu le 28 septembre dont les images, apocalyptiques, ont fait le tour du monde depuis une semaine. Un séisme de magnitude 7,5 avait ce jour-là frappé l’archipel indonésien, près de la ville de Palu, au centre de Sulawesi (Célèbes). Quelques heures plus tard, un tsunami, déclenché par le tremblement de terre, se forme et une vague de cinq mètres – jusqu’à sept mètres selon certains observateurs – s’engouffre dans les terres et atteint la capitale provinciale de 350 000 habitants. Retrouvez notre suivi actualisé de cette catastrophe.
Selon plusieurs rapports de l’ONU et des organisations humanitaires présentes sur place, la région de Palu a perdu 68 000 habitations, et 191 000 personnes ont été identifiées comme cibles prioritaires de l’aide humanitaire.
Selon les estimations de l’UNOCHA, les frais de reconstruction immédiate s’élèvent à 50M$, répartis comme suit : 15M$ pour la reconstruction des habitations, 7M$ pour la santé, 3M$ pour la nourriture…
Aux reporters envoyés sur place, les habitants confient leur désarroi, en expliquant ne pas bénéficier de l’aide annoncée dans les médias.
Ces derniers réclament, notamment, de l’eau potable en plus grande quantité, ainsi que des logements salubres.
Depuis le 9 octobre, le bilan se stabilise autour de 2100 victimes, 11 000 blessés et 79 000 déplacés.
A présent que le deuil commence pour les familles touchées, un autre défi attend les survivants : celui de la reconstruction.
Notre rappel :
Que s’est il passé dans le centre de l’île de Sulawesi ?
Trente minutes à peine se sont écoulées entre le déclenchement du séisme, à 18h02 heure locale le 28 septembre, et la formation de la vague qui s’est précipitée sur le rivage.
Selon les experts, l’ampleur du tsunami est à imputer d’une part à l’intensité du séisme – l’Indonésie n’en avait pas connu d’aussi violent depuis 2006 à Yogyakarta – mais aussi par le relief de la côte, dont la forme en goulet d’étranglement facilita le déferlement des flots.
Le vice-président indonésien Jusuf Kalla a ainsi déclaré craindre que le bilan final n’atteigne « un ou plusieurs milliers » de morts, comme lors de précédentes catastrophes.
Le coordinateur des secours Sutopo Purwo Nugroho a expliqué dimanche 7 octobre aux journalistes que le chiffre de 5000 disparus était fondé sur les estimations des chefs de village à Petobo et Balaroa, quartiers dévastés par la double catastrophe.
Il a ajouté que les recherches de disparus se poursuivront jusqu’au 11 octobre. A cette date, ils seront présumés morts (Source : Le Monde)
L’Indonésie était-elle bien préparée ?
Alors que l’aide humanitaire peine ces jours-ci à progresser sur un territoire dévasté, la polémique se poursuit, au sein de la communauté scientifique, sur les capacités de prévention du gouvernement indonésien.
Selon les médias locaux, une alerte au tsunami avait bel et bien été lancée immédiatement après le tremblement de terre, mais elle a été prématurément levée, sur ordre de l’Agence nationale Indonesia’s Meteorology, Climatology and Geophysics Agency (BMKG).
Sa directrice, Mme Dwikorita Karnawati, est officiellement l’objet d’une investigation.
Sa démission a été demandée par le gouvernement, rapporte le Straits Time de Singapour.
Widjo Kongko, un expert indonésien interrogé par Channel News, déplore quant à lui le faible niveau de maintenance des stations d’observations en mer, en affirmant que la station d’observation de Palu ne fonctionnait pas le jour de la catastrophe.
Principaux responsables de ces dysfonctionnements, selon lui : la bureaucratie et les rivalités entre les trois agences principales agences chargées des catastrophes naturelles, qui paralysent le processus de décision.
La climatologue Anja Sheffers, professeure à l’université Southern Cross, en Australie, juge pour sa part responsables les difficultés financières de l’Indonésie pour entretenir son système d’alerte, en comparaison avec les réseaux d’Hawaï et du Japon, références en la matière.
Actuellement, l’Indonésie compte 144 stations, 22 bouées connectées à des capteurs sous-marins, et 55 sirènes d’alertes disséminées dans le pays.
L’installation d’une seule bouée coûte à elle seule 250 000 dollars, et 50 000 dollars annuels de frais de maintenance.
Si de nombreux médias opèrent un rapprochement avec le tsunami de 2004 à Aceh, déclenché par un séisme de magnitude 9,1, ces comparaisons sont à prendre avec beaucoup de précaution, tant en regard de leurs circonstances – chaque tsunami est un phénomène océanique complexe et unique et de leur bilan humain : 168 000 personnes ont perdu la vie en 2004, contre environ 2000 morts recensés actuellement dans les régions de Palu et Donggala.
La disparition annoncée par les autorités de plus de 5000 personnes fait en revanche craindre une inflation des statistiques au fur et à mesure de l’évacuation des décombres. La zone demeurait, dimanche 7 octobre, très difficile d’accès.
A elles deux, ces villes regroupent plus de 500 000 habitants.
Où en sont les secours ?
L’aide internationale afflue, déployée par l’ONU, les États-Unis, la Chine et l’Australie, pour qui l’Indonésie demeure une priorité stratégique en matière de politique extérieure.
Selon le quotidien français Le Monde, l’ONU a déclaré vendredi être en quête de 50,5 millions de dollars pour mettre en œuvre un plan d’« activités de secours immédiat »élaboré avec les autorités indonésiennes.
Il s’agit selon l’ONU de venir en aide à 191 000 personnes au cours des trois prochains mois. La double catastrophe a provoqué des dégâts à 65 000 habitations, dont 10 000 ont été complètement détruites par le tsunami et 15 000 endommagées par le séisme.
A noter également, sur les réseaux sociaux, un important effort de mobilisation de la part de la communauté musulmane et des organisations de secours islamique, l’Indonésie étant, rappelons-le, le premier pays musulman du monde.
Une semaine après la catastrophe, les secours peinent cependant à avoir accès aux zones dévastées, en raison de routes détruites et d’un aéroport rendu très difficilement utilisable pour l’acheminement de matériel.
L’exaspération monte parmi les survivants.
Des bandes de pillards ont même été signalées par des habitants aux reporters dépêchés sur place.
En réponse, l’armée indonésienne a été déployée autour de sites « sensibles » (magasins dévastés, points d’eau) pour prévenir d’éventuels affrontements dans la population après la visite sur place, dimanche dernier, du président indonésien Joko Widodo.
Enfin, la coordination des secours est complexifiée par la circulation de fake news sur les réseaux sociaux indonésiens.
Selon ces fausses rumeurs, Sulawesi aurait été touchée par un second séisme de magnitude 8, facilitant l’effondrement imminent d’un barrage.
Le ministère de l’information a démenti ces rumeurs, et s’est engagé à tenir des points presses hebdomadaires pour tenir la population informée.
L’éruption du volcan Soputan, survenue le 4 octobre, est en revanche bien réelle. Elle ne devrait toutefois pas impacter la gestion de la crise, cette montagne situant à plus de 600 km de la zone sinistrée de Palu.
Un nouveau rebondissement s’est produit le 9 octobre dans l’organisation des secours.
L’Agence nationale de réponse aux catastrophes naturelles, l’Indonesian National Board for Disaster Management (acronyme : BNPB) a annoncé sur son compte twitter que les ONGs étrangères n’étaient plus autorisées à opérer directement sur le lieu de la catastrophe.
Plus précisément, ces dernières sont désormais priées de mandater l’assistance de partenaires locaux, et de retirer immédiatement tout personnel étranger déjà déployé sur zone.
La nouvelle, pour consternante qu’elle soit, n’a surpris qu’à moitié la communauté des ONGs.
Depuis la semaine dernière, plusieurs organisations ont rencontré des difficultés administratives pour accéder aux zones touchées, et se sont plaints d’avoir reçu des instructions « confuses et contradictoires » une fois sur place.
Rappelons qu’en août dernier, le gouvernement de Joko Widodo était resté très réticent à laisser entrer l’aide internationale après le tremblement de terre de Lombok.
Soucieux de maintenir sa souveraineté nationale, le gouvernement entend également préserver sa réputation et prouver ses capacités en matière de gestion de crise, moins d’un an avant l’organisation des prochaines élections présidentielles.
En visite officielle à Palu le 17 octobre, Joseph Donavan, ambassadeur des États-Unis en Indonésie, a déclaré au Jakarta Post qu’il se montrait « confiant » dans l’avenir de l’île et sa reconstruction.
Selon Heather Nauert, porte-parole du Département d’état américain, les États-Unis ont ajouté 3M$ supplémentaires à l’aide prêtée à l’Indonésie, portant cette dernière à un montant total de 11M$.
La porte-parole a également précisé que les C-130 de l’US Air Force continueraient d’assurer le pont aérien déployé au-dessus des zones sinistrées jusqu’au 26 octobre.
La situation d’urgence devrait ensuite être officiellement levée, selon le calendrier prévu par l’Agence nationale de réponse aux catastrophes naturelles (BNPB).
Les chiffres rendus publics par le Centre de coordination de l’aide humanitaire de l’ASEAN (AHA CENTRE) et le Bureau de coordination de l’aide humanitaire des Nations Unies (UNOCHA) incitent cependant à la retenue.
Commentez, réagissez, complétez nos informations sur redaction@gavroche-thailande.com
Thibaud Mougin
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.