Félicitations à l’hebdomadaire Le Point pour avoir fait récemment revivre la légende noire de la dynastie Marcos aux Philippines. L’article est rempli d’informations. Nous en publions ci dessous des extraits. Intégralité à lire sur le site www.lepoint.fr.
Faut-il laisser le bénéfice du doute aux fils de dictateurs ? 31 millions de Philippins l’ont cru en élisant président Ferdinand Marcos junior, surnommé « Bongbong », ce 9 mai 2022. Son père avait régné plus de vingt ans avant de s’exiler, non sans avoir semé des milliers de cadavres et pillé les caisses de l’État, s’appropriant entre 5 et 10 milliards de dollars du Trésor philippin. Cela n’a pas empêché le fils de suivre ses pas par la voie des urnes. Dès le lendemain de son élection, Marcos junior s’est fait photographier face à la tombe de son père, faisant déclarer par son porte-parole : « Jugez-moi non par mes ancêtres, mais par mes actes. » En somme, il revendique l’héritage mais exige qu’on lui donne sa chance.
Impossible, pourtant, de faire oublier la légende noire attachée à son nom.
Né en 1917, Ferdinand Marcos est lui-même le fils d’un député, Mariano Marcos. Il a tout juste 20 ans quand il défraye pour la première fois la chronique, condamné à mort pour l’assassinat d’un adversaire de son père. En appel, les juges de la Cour suprême l’ont acquitté, sans vraiment remettre en question les preuves, mais simplement pris de sympathie pour l’accusé de bonne famille.
Engagé dans les forces philippines, puis prisonnier des Japonais, Ferdinand Marcos se forge une image de héros de guerre – gonflant ses exploits, taisant les conditions de sa libération, en 1942, par l’entremise de son père avec l’occupant. Mariano finit exécuté (par écartèlement !) en 1945, pour collaboration. Ferdinand reprend le flambeau au Parlement après-guerre, en tant que député puis sénateur. Élu président en 1965, il représente l’aile libérale du Parti nationaliste et accomplit un premier mandat démocratique plutôt réussi grâce à des réformes économiques ambitieuses. À peine entamé, en janvier 1970, le second mandat est cependant perturbé par un mouvement étudiant massif, dominé par les communistes. Lutte armée et attentats donnent à Marcos le prétexte idéal pour déclarer la loi martiale, en septembre 1972.
La démocratie philippine, calquée sur le modèle américain, est suspendue jusqu’à nouvel ordre.
Marcos gouverne par décret, abolit la liberté de la presse et l’État de droit, et fait arrêter les opposants à tour de bras. Plus de 70 000 emprisonnements, 34 000 cas de torture et 3 200 morts ont été documentés durant la décennie de loi martiale. La chasse aux communistes justifie les pires exactions, des milliers de civils sont sommairement exécutés sur cette seule accusation. Bénéficiant d’une impunité totale, l’armée commet régulièrement des massacres, en particulier dans les minorités musulmanes agitées par des rébellions.
Ayant aboli la loi martiale en 1981, Ferdinand Marcos finit par être chassé à l’issue d’élections disputées en 1986. Il s’exile à Hawaï, laissant un pays ruiné, surendetté, qui découvre les horreurs de sa présidence et les frasques de son clan. Ses plus proches conseillers étaient surnommés les « 12 Rolex » après que Marcos leur eut offert à chacun des montres de luxe. Son épouse Imelda abandonna dans leur fuite 15 manteaux de vison, 508 robes, 888 sacs à main et plus de 1 000 paires de chaussures. En tout, les Marcos auraient dérobé plusieurs milliards de dollars directement dans les coffres de la Banque centrale, un montant astronomique leur valant durablement une mention au livre des records du monde Guinness pour « le plus grand braquage d’un gouvernement » – record effacé sans explication début 2022.