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HONG KONG – HISTOIRE : Asialyst et The Economist retracent le rêve de Hong Kong

Journaliste : Rédaction Date de publication : 13/09/2022
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Hong Kong 1950

 

Nos amis du site Asialyst, riche en analyses sur la Chine, viennent de publier une traduction d’un long article de l’hebdomadaire The Economist sur Hong Kong. Nous en publions à notre tour des extraits en vous conseillant d’en lire l’intégralité sur le site d’Asialyst. Passionnant. Pour comprendre ce qu’était Hong Kong.

 

Le texte qui suit a été publié dans la revue The Economist, le 1er juillet dernier, pour « célébrer » le 25ème anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à sa mère-patrie, la République populaire de Chine. Publié anonymement, ce texte donne la parole à des acteurs éminents des évolutions les plus récentes. Du milliardaire Jimmy Lai (en prison) au sinologue Perry Link (interdit de Chine), en passant notamment par la figure du tycoon Desmund Shum (exilé aux États-Unis), le texte permet de comprendre l’importance de Hong Kong pour le pouvoir chinois, dès la préparation des pourparlers sur la rétrocession en 1984. Il offre une vision d’ensemble suffisamment rare pour être traduite et publiée par Asialyst.

 

Un quart de siècle après la rétrocession de Hong Kong à la Chine, la texture de la ville, ses bruits et ses lumières, n’ont que peu changé. Dans ses marchés couverts, les carpes sont toujours là, sous les lampes rouges, les poissonniers exaltant leur fraîcheur. Dans des centres commerciaux haut de gamme, les chalands vénèrent les dieux de la bourse et du téléphone. Les ouvriers suent sur les chantiers, leurs marteaux-piqueurs battant la cadence du carillon des tramways.

 

La topographie de l’île continue de faire battre les cœurs. Derrière un centre de convention encaissé, accroupi à côté du port de Victoria, la crête couverte de jungle qui monte vers le célèbre Peak scintille des lumières de certains des appartements les plus chers de la planète. Un tramway raide tire encore les touristes d’un jour. Plus bas, l’emblématique Star Ferry n’en finit pas de traverser le port.

 

Sur la partie continentale du territoire, une montagne en forme de pommeau appelée Lion Rock monte la garde au-dessus de la conurbation de Kowloon, plus peuplée et moins privilégiée. Légèrement moins élevé que le Peak, le Lion Rock occupe une place plus importante dans l’imaginaire des Hongkongais. Un groupe de réfugiés, squattant au pied de la montagne a servi de cadre à Beneath Lion Rock, une série télévisée populaire diffusée pour la première fois dans les années 1970. Celle-ci célèbre le courage d’une génération de Hongkongais, dont la plupart ont quitté la Chine pour échapper au malheur et à la pauvreté. Elle raconte l’histoire de la lutte pour nourrir sa famille et pour lui donner un nouvel avenir dans un nouveau foyer. Commencez à chanter son thème à un Hongkongais d’un certain âge et il y a de fortes chances qu’il vous rejoigne :

 

« D’un seul esprit à la poursuite de notre rêve
Toutes les discordes mises de côté,
D’un seul cœur dans la même quête lumineuse…
Main dans la main jusqu’au bout du monde. »

 

C’est ce peuple, au pied de la Montagne du lion qui, à partir des années 1960, transforme Hong Kong en un des centres manufacturiers les plus importants du monde. Né en 1949, Ching Cheong (程翔) avait cinq ans lorsque sa famille a fui le Continent pour l’enclave britannique. Il rêve alors de retourner en Chine tout en grandissant dans un logement social, nourri par les donations d’une église.

 

Son rêve s’éteint quand, adolescent, il voit des corps flotter qui arrivent de Chine. Leurs mains et leurs pieds sont entravés, ce sont des victimes de la Révolution culturelle lancée par Mao Zedong en 1966. « Beaucoup d’entre nous se souviennent de la police sortant de l’eau ces corps sans vie, se rappelle-t-il. Après cela, aucun d’entre nous de pensait plus à retourner vivre en Chine. » Lui et les siens créent alors une nouvelle identité hongkongaise fondée sur le travail, la solidarité et une grande fierté dans la nouvelle vie qu’ils sont en train de construire. S’ils tournent effectivement le dos à la Chine, ils n’ont jamais oublié qu’ils étaient chinois, en particulier alors que Hong Kong est encore dirigé par des administrateurs britanniques. Depuis qu’ils ont saisi l’île pour servir d’entrepôt commercial (d’où exporter illégalement de l’opium en Chine), les dirigeants coloniaux ont toujours préféré gérer les choses avec, comme le dit l’historienne Elizabeth Sinn, « l’effort le plus petit et l’économie la plus grande »*. Ils n’avaient guère intérêt à voir les habitants de la colonie poursuivre leurs rêves d’un cœur uni.

 

Sous un règne négligeant, mais pas totalement répressif, les protestations sont inévitables. Les plus violentes ont eu lieu en 1967, lorsque le chaos de la Révolution culturelle chinoise franchit la frontière. Les partisans de Mao, soutenus par le parti clandestin, font exploser des bombes, tuant notamment des enfants jouant dans les rues. En septembre, on compte 51 décès – dont dix policiers. La majorité de la population s’oppose fermement aux manifestants et développe une nouvelle affinité avec la police.

 

Pourtant, ces manifestations ont également sensibilisé le gouvernement aux problèmes sociaux et jettent les bases des décennies de protestations qui suivent. La plupart d’entre elles visent à faire évoluer les choses non pas vers le chaos chinois, mais vers le type de Hong Kong que les habitants veulent voir se réaliser. Ils se sont battus pour améliorer l’éducation et les services sociaux. À la fin des années 1960 et dans les années 1970, l’administration réduit les heures de travail, crée un système d’enseignement gratuit obligatoire, construit de nouveaux logements sociaux et commence à offrir des services médicaux et d’assistance sociale de base. Elle instaure également une nouvelle règle exigeant l’autorisation de la police pour tout rassemblement public.

 

Ces demandes sont rarement refusées. Leo Goodstadt, un universitaire qui a servi dans l’administration coloniale, estime qu’il y a eu, en moyenne, plus de 180 protestations par an entre 1975 et 1995. « Les protestations publiques et l’activisme politique des années 1970 ont fait prendre conscience de la pertinence de l’État de droit pour les droits de réunion publique et pour la liberté d’expression », écrit-il en 2005. Hong Kong, qui n’a jamais été une démocratie, disposait dans les années 1980 d’un système juridique indépendant, d’une presse libre et robuste et de libertés civiques et économiques bien ancrées. C’est le monde dont M. Ching et ses pairs ont hérité.

 

*Leo F. Goodstadt, Uneasy Partners: The Conflict Between Public Interest and Private Profit in Hong Kong, HKU Press, Hong Kong, 2005, p. 88 (epub edition).

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